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Deuxième partie. Chap. 1

 

Table des matières

Grammaire générale

 

 

 

Section première. Analyse de la pensée

Chap. I. Des sensations

Chap. II. De l'entendement

Chap. III. De la volonté

Conclusion

Section seconde

Du langage d'action

1ière partie. Grammaire élémentaire

Chap. I-III

Chap. IV

2ième partie. De la syntaxe

Chap. I.

Chap. II

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DEUXIÈME PARTIE

DE LA

GRAMMAIRE GÉNÉRALE.

 

DE  LA  SYNTAXE.

 

L’arrangement des mots est un des plus grands secrets du style. Qui n’a point cela ne peut pas dire qu’il sache écrire. (Vaugelas.)

Objet de la syntaxe.

 

619. Après avoir considéré les mots isolés dans la première partie, dans la Grammaire élémentaire, nous allons les considérer rassemblés ; et c’est-là l’objet de la syntaxe. Elle consiste donc dans la connaissance des principes propres à la réunion des mots pour le développement de la pensée.

Etymologie de ce mot.

 

620. Le mot syntaxe est dérivé de deux mots grecs, qui signifient ordonner avec, ou coordonner ; en sorte que syntaxe équivaut à coordination, si l’on peut s’exprimer ainsi : et en effet cette partie de la Grammaire a pour but de rechercher et d’établir les principes d’après lesquels les mots doivent être |469 coordonnés entr’eux pour exposer la pensée avec clarté et avec précision.

Nos connais­sances se com­muniquent par des pro­posi­tions.

 

621. Cette clarté et cette précision sont indispensables, puisque nous ne parlons que pour communiquer aux autres nos connaissances, nos idées, nos sentimens, et que cette communication deviendrait impossible sans ces deux qualités. Mais nos connaissances, que sont-elles ? Elles ne sont autre chose que la perception de l’existence intellectuelle des êtres, sous telle ou telle relation à telle ou telle modification. Si un être a réellement en soi la relation sous laquelle il existe dans notre esprit, nous en avons une connaissance vraie ; s’il n’a pas cette relation, la connaissance que nous en avons est fausse : mais, vraie ou fausse, cette connaissance est un jugement, puisque notre entendement prononce la ressemblance ou la différence de deux sensations. L’énonciation ou l’expression de ce jugement est une proposition.

La syntaxe doit se borner à l’examen de la proposition.

 

622. Peu importe que le jugement énoncé soit celui qu’on se propose de faire connaître directement, ou qu’il soit dépendant, d’une manière quelconque, de celui qu’on a principalement en vue ; dès que notre entendement perçoit l’existence de tel sujet |470 sous tel rapport à telle modification, c’est un jugement ; et l’expression totale, soit d’un jugement direct et principal, soit d’un jugement indirect et subordonné, est également une proposition. Ainsi, puisque le langage n’a pour objet que la communication de nos connaissances ; puisque nos connaissances ne sont que les divers jugemens que nous portons sur les objets ; et puisqu’enfin, ces jugemens, manifestés au dehors par la parole, sont des propositions ; c’est donc, en dernier résultat, à l’examen de la proposition que doit se borner la syntaxe.

L’expression des besoins, des désirs, se réduit aussi à la pro­position.

 

623. Si nous ne disons pas aussi que le langage a pour but l’expression de nos besoins et de nos affections, c’est que nous jugeons cela inutile. Nos besoins ne sont que le résultat de la comparaison que fait notre âme entre une chose dont elle est privée, et l’aise ou le plaisir qu’elle aurait si elle jouissait de cette chose ; or cette comparaison renferme un jugement ; il en est de même des désirs et des autres affections de l’âme ; donc puisque la proposition est l’expression totale d’un jugement quelconque, elle sert aussi à exprimer nos besoins et nos affections ; et conséquemment le langage, dans toutes les circonstances, se réduit à des propositions.

 

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DE LA PROPOSITION.

 

Nihil agimus... in... dictis... nostris... quod non verbo apud nos intùs edito prævenerimus. Nemo enìm volens aliquid dicit, quod non in corde suo priùs dixerit. (Saint Aug. de Trin, lib. 9, cap. 7.)

Proposition ; ce que c’est.

 

624. Une proposition est l’expression totale d’un jugement, soit qu’on l’énonce par un seul mot (a) [1], au moyen des idées accessoires que l’usage y aura attachées, soit qu’on l’énonce par plusieurs mots réunis : dans les deux cas, l’expression est totale dès qu’elle énonce l’existence intellectuelle du sujet sous telle relation à telle ou telle modification. Le jugement est dans l’entendement et il est prononcé par cette faculté de notre âme ; la proposition est la manifestation extérieure de ce jugement par les sens, les articulations, les mots nécessaires, dans chaque langue, pour produire l’expression totale du jugement. Celui-ci est un acte de l’entendement ; celle-là est la traduction en paroles de cet acte intérieur.

Différence entre la pro­position et la phrase.

 

|472 625. Il ne faut pas confondre la proposition avec la phrase. Le mot phrase dérive d’un mot grec qui peut se rendre en français par locution ; et l’on appelle phrase tout assemblage de mots exprimant une idée : comme la même idée peut être exprimée par différens assemblages de mots, elle peut être rendue par des phrases toutes différentes. Par exemple : litteras accepi tuas ; litteras tuas accepi ; tuas accepi litteras ; tuas litteras accepi ; accepi litteras tuas ; accepi tuas litteras ; sont six phrases différentes, puisque c’est partout la même idée ; mais exprimée de six manières diverses ; et toutes ces phrases ne sont qu’une seule et même proposition, puisque, dans toutes, c’est toujours l’expression totale d’un seul et même jugement ; c’est l’existence intellectuelle d’un même sujet sous le même attribut. Ainsi la phrase est différente, quoique composée des mêmes mots, lorsque l’arrangement de ces mots est différent : la proposition est la même, quoique l’arrangement des mots soit différent, toutes les fois que par ces différens arrangemens on énonce le même jugement.

Qualité de la phrase.

 

626. Aussi une phrase est-elle bonne ou mauvaise, selon que les mots, qui la com- |473 posent, sont assemblés, terminés et construits d’après ou contre les règles établies par l’usage de la langue dans laquelle on s’énonce. Une proposition, au contraire, est bonne ou mauvaise, selon qu’elle est conforme ou non aux principes immuables de la morale. Une phrase est correcte, ou incorrecte, claire ou obscure, élégante ou commune, simple ou figurée : une proposition est vraie ou fausse, juste ou injuste, etc.

627. Nous considérerons la proposition d’abord quant à sa matière, et ensuite quant à sa forme.

 

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CHAPITRE PREMIER.

DE LA PROPOSITION CONSIDÉRÉE QUANT À SA MATIÈRE.

 

... Per multas aditum sibi sæpè figuras
Repperit.   (Ovid., metam., 14, 657.)

 

 

 

628. La matière de la proposition est la totalité des parties intégrantes, dont elle est composée. On peut la considérer logiquement ou grammaticalement.

 

 

 

 

ARTICLE PREMIER.

DE LA MATIÈRE DE LA PROPOSITION, CONSIDÉRÉE LOGIQUEMENT.

 

Sciamus.... nihil verborum causâ esse faciendum, quùm verba ipsa rerum gratiâ sint reperta : quorum ea sunt maximè probabilia, quæ sensum animi nostri optimè produnt, atque in animis... quod volumus efficiunt. (Quint., Inst. orat.)

Parties lo­giques de la proposition.

 

629. Pour distinguer plus facilement les parties logiques de la proposition, rappelons-nous que le jugement est le résultat de la comparaison de deux sensations, résultat par lequel notre entendement prononce si ces deux sensations sont semblables ou différentes, si elles se conviennent ou non (65), |475 ou bien si la seconde est une des idées partielles qui forment la totalité de la première. Il y a donc dans tout jugement deux idées distinctes, celle de la première sensation, qui est celle de la chose dont on juge, et celle de la modification qu’on juge appartenir à la première. Pour bien juger, il faut que nous ayons une connaissance bien distincte de chacune de ces deux idées ; sans quoi, il nous serait impossible de prononcer, d’affirmer, et par conséquent de juger. Ces deux idées sont les parties logiques, les élémens du jugement, et par conséquent de la proposition, qui n’est que l’expression totale du jugement.

Sujet, attri­but.

 

630. Des deux idées qui sont les élémens nécessaires d’un jugement quelconque, la première représente un être, une substance, ou réelle, ou résultant de nos abstractions (411) ; c’est-là le sujet du jugement : la seconde est l’idée d’une modification réelle ou intellectuelle que nous jugeons appartenir ou ne pas appartenir au sujet ; c’est-là l’attribut, parce que c’est cette idée qu’on attribue ou qu’on n’attribue pas à la première. Ainsi, dans l’analyse du jugement, nous ne trouvons que deux idées élémentaires, comme dans l’analyse de la parole, |476 nous n’avons trouvé que deux classes générales de mots, des substantifs et des modificatifs (405). Dans ce jugement : Dieu est bon, l’idée de Dieu est le sujet logique, c’est l’idée d’une substance ; c’est cette idée que j’affirme exister dans mon entendement sous une relation déterminée à la bonté : est bon est l’attribut, puisque c’est cette idée totale que j’attribue au sujet Dieu.

Il ne peut y avoir que deux idées élémen­taires dans un juge­ment.

 

631. Vainement chercherait-on trois idées distinctes dans ce jugement, et dans tout autre ; celle du sujet Dieu, celle de l’attribut bon, et une troisième idée élémentaire, qui exprime l’acte par lequel l’entendement prononce la coexistence de ces deux idées, acte qu’on prétend exprimé par le mot est, et qu’on nomme copule ou énonciation. Nous convenons qu’en faisant l’analyse sans faire attention que Dieu est bon est l’expression d’un jugement, il y a trois idées, celle de Dieu, celle de l’existence (est), et celle de la bonté : mais, en considérant ces idées comme les élémens d’un jugement, ainsi que nous devons le faire, il n’y a, et il ne peut y avoir que deux parties logiques ; l’idée du sujet (Dieu), et l’idée totale de l’attribut est bon. Nous disons l’idée totale de l’attribut : car on ne |477 se contente pas d’affirmer que Dieu existe, que Dieu est ; on affirme qu’il est bon, c’est-à-dire, tout à la fois qu’il existe, et qu’il existe avec la modification exprimée par le mot bon. On ne pourrait pas même affirmer qu’il est bon, si l’on n’avait préalablement affirmé qu’il est, puisqu’il faut être avant de pouvoir être de telle ou de telle manière. L’idée de l’existence est donc une partie essentielle et inséparable de tout attribut ; on ne peut donc pas en faire un élément séparé et distinct dans l’analyse du jugement ; et conséquemment il n’y a qu’un sujet et qu’un attribut, et point de copule ni d’énonciation. Nous reviendrons sur cette analyse dans l’art de raisonner.

 

 


 

ARTICLE II.

DE LA MATIÈRE DE LA PROPOSITION, CONSIDÉRÉE GRAMMATICALEMENT.

 

Le choix des mots, par lesquels nous exprimons nos pensées, a beaucoup d’influence sur la vérité ou sur la fausseté des jugemens que nous portons, ou que nous faisons porter aux autres. (D’Alemb., Mélan., tom. 4.)

Matière gram­maticale de la proposition.

 

632. La totalité des parties intégrantes, dont une proposition peut être composée, constitue la matière grammaticale de cette |478 proposition. L’analyse réduit toujours ces parties à deux, le sujetet l’attribut.

Le sujet.

 

633. Le sujet est la partie de la proposition qui exprime l’être dont l’esprit aperçoit l’existence sous telle ou telle relation à quelque modification, ou manière d’être.

L’attribut.

 

634. L’attribut est la partie de la proposition qui exprime l’existence intellectuelle du sujet sous cette relation à quelque manière d’être. Dans cette proposition : Dieu est bon, Dieu est le sujet, il exprime l’être dont l’esprit aperçoit l’existence sous la relation de convenance avec la bonté : est bon est l’attribut, qui exprime l’existence de Dieu sous cette relation. Cet attribut est composé ici de deux mots ; le modificatif commun est, en particulier, exprime l’existence du sujet, et l’adjectif bon en exprime le rapport de convenance avec la bonté.

L’attribut ex­primé par un seul mot peut se dé­com­poser en deux.

 

635. Lors même que l’attribut n’est exprimé que par un seul mot, comme dans ces propositions : Dieu existe, Pierre laboure, mon frère écrit ; on peut toujours le décomposer en deux, dont l’un exprimera l’existence, et l’autre sera un attributif, puisque tout verbe peut se décomposer ainsi (492) ; et ces propositions équivalent à celles-ci : |479 Dieu est existant, Pierre est labourant, mon frère est écrivant.

Propositions négatives.

 

636. Si la relation du sujet à l’attribut est de disconvenance et non pas de convenance, on l’exprime par une négation qui modifie le verbe, et qui indique aussi le contraire de la convenance. Dieu n’est pas méchant, Pierre ne laboure pas, mon frère n’écrit pas. Alors [c]es propositions sont négatives, parce qu’elles nient qu’il y ait convenance entre le sujet et l’attribut : c’est un jugement fondé sur la différence de deux idées.

Le sujet, l’attribut,
la copule.

 

637. Plusieurs logiciens distinguent trois parties dans la proposition. Le sujet, qui exprime l’être dans lequel l’esprit aperçoit l’existence sous telle ou telle relation à une manière d’être ; l’attribut, dont il aperçoit l’existence dans cet être exprimé par le sujet ; et la copule, qui prononce la convenance entre le sujet et l’attribut. Ainsi, d’après eux, dans toutes les propositions que nous venons de citer, le verbe est est la copule.

Le verbe fait partie de l’at­tribut.

 

638. Mais il est plus conforme au résultat d’une analyse rigoureuse de considérer l’attribut comme contenant essentiellement le verbe, puisque le verbe est dit du sujet, aussi bien que l’adjectif ou que le participe |480 qui le suit (631). Dans la proposition, il n’est pas question de l’existence réelle du sujet, mais il s’agit de son existence intellectuelle, c’est-à-dire, de son existence dans l’esprit de celui qui parle, laquelle est toujours l’objet d’une proposition (624) ; et c’est cette existence intellectuelle qui est le caractère essentiel du verbe (520).

 

 

 

 

DES DIFFÉRENTES FORMES DU SUJET ET DE L’ATTRIBUT.

 

Tàm multæ........ facies ! (Georg., lib. 1.)

 

 

639. Le sujet et l’attribut peuvent être simples ou composés, incomplexes ou complexes.

Sujet simple.

 

640. Le sujet est simple, lorsqu’il présente à l’esprit un être déterminé par une idée unique. Ainsi, dans ces propositions : Dieu est bon ; mentir est une lâcheté ; la gloire qui vient de la vertu a un éclat immortel, les sujets Dieu, mentir, la gloire qui vient de la vertu, sont simples. Dieu exprime un sujet déterminé par l’idée unique de la nature individuelle de l’Être-suprême ; mentir présente à l’esprit un sujet déterminé par l’idée unique du mensonge ; et la gloire qui vient de la vertu, un sujet déterminé par l’idée |481 unique de la nature générale de la gloire, restreinte par l’idée de la vertu envisagée comme un fondement particulier de la gloire.

Dans la dernière proposition, il y a véritablement une seconde proposition, qui [a] son sujet qui pour laquelle gloire, et son attribut vient de la vertu. Nous parlerons plus bas de cette proposition subordonnée.

La simplicité du sujet ne dé­pend que de l’unité de l’idée qui la dé­ter­mine.

 

641. Remarquons seulement, quant à présent, que la simplicité du sujet dépend, et doit naturellement dépendre, non de l’unité du mot qui l’exprime, mais de l’unité de l’idée qui la détermine. Ainsi dans cette proposition : la gloire qui vient de la vertu a un éclat immortel, il est évident qu’on n’attribue pas l’éclat immortel à la gloire en général, ni à toute sorte de gloire, mais exclusivement à celle qui vient de la vertu ; et que conséquemment tous ces mots réunis la gloire qui vient de la vertu ne présentent à l’esprit qu’un sujet unique et déterminé ; il est donc simple.

Sujet com­posé.

 

642. Le sujet est composé, lorsqu’il comprend plusieurs êtres déterminés par des idées différentes. Ainsi quand on dit : croire à la vertu et ne pas en suivre les principes dans sa conduite, est une extravagance |482 inconcevable, on n’énonce qu’un sujet simple, quoiqu’il paraisse composé : car, malgré que croire à la vertu paraisse un premier sujet, et ne pas en suivre les principes dans sa conduite, un second, il n’y en a cependant qu’un, puisqu’on ne peut pas dire séparément que croire à la vertu est une extravagance inconcevable : le véritable sujet est l’idée unique qui résulte de la réunion de ces deux idées particulières ; et conséquemment il est simple (641). Mais en voici un vraiment composé : le courage, la probité, la franchise, la sobriété sont des vertus estimées dans tous les temps ; car l’attribut convient séparément au courage, à la probité, à la franchise, etc.

Attribut simple.

 

643. L’attribut est simple lorsqu’il n’exprime qu’une seule manière d’être du sujet, soit que cette modification soit exprimée en un seul mot, soit qu’elle le soit en plusieurs mots. Les attributs des propositions citées n.os 634, 635 sont simples. De même dans celle-ci : les imprudens se livrent à des jouissances dont ils ne connaissent pas les funestes conséquences ; quoique cet attribut soit exprimé par un grand nombre de mots, il est simple, puisqu’il n’exprime qu’une seule manière d’être du sujet, les imprudens.

Attribut com­posé.

 

644. L’attribut est composé quand il exprime |483 différentes manières d’être du sujet. Les orgueilleux sont ridicules et méprisables ; cet attribut est composé, puisqu’on attribue deux manières d’être au sujet, le ridicule et le mépris.

Sujet incom­plexe.

 

645. Le sujet est incomplexe lorsqu’il n’est exprimé que par un substantif ou par un infinitif, qui sont les seules espèces de mots qui puissent présenter à l’esprit l’idée d’un sujet déterminé (408, 496). Dieu est bon ; mentir est une lâcheté ; commander est le penchant naturel des hommes.

Différence entre le sujet simple et le sujet incom­plexe.

 

646. Ne confondons pas le sujet simple (640) avec le sujet incomplexe (645) ; et pour cela, saisissons bien les différences qui les distinguent. Le sujet simple doit être déterminé par une idée unique ; voilà son essence (640) ; mais cette idée unique peut être exprimée par un seul mot, ou par plusieurs mots ; et conséquemment, en conservant sa simplicité, il peut être ou n’être pas incomplexe (645), parce que son essence dépend non de l’expression, mais de l’unité de l’idée qui le constitue, et que cette idée unique peut être et n’être pas considérée comme le résultat de plusieurs idées subordonnées, et être exprimée par un mot ou par plusieurs mots. Au contraire, l’essence du sujet incomplexe dépend uniquement de |484 l’expression ; puisque, pour être tel, il doit n’être exprimé que par un seul mot (645). Ainsi, un sujet simple peut être indifféremment ou incomplexe ou complexe.

Sujet com­plexe.

 

647. Le sujet est complexe quand le substantif ou l’infinitif est accompagné de quelques mots additionnels, qui en expliquent, en étendent, en restreignent, ou en déterminent le sens ; comme dans ces propositions : la liberté bien entendue rend les peuples heureux ; la liberté de conscience, de commerce, d’industrie, détruit l’intolérance et le monopole ; ridiculiser la vertu est le comble de la perversité ; mentir habituellement est l’effet d’un caractère bas et avili. Les mots bien entendue expliquent de quelle liberté on veut parler ; de commerce, de conscience, d’industrie étendent le sens du mot liberté ; les mots la vertu restreignent le sens de l’infinitif ridiculiser, et il a besoin d’être restreint pour que la proposition soit vraie, puisqu’on peut ridiculiser le vice sans être pervers ; enfin l’adverbe habituellement détermine la signification que l’on donne à l’infinitif mentir. Tous ces sujets sont donc complexes.

Distinction es­sentielle entre le sujet |485 gram­ma­tical et le su­jet lo­gique.

 

648. Ainsi le sujet devient complexe, non pas seulement par l’addition d’une pro- |485 position incidente, mais par l’addition de mots quelconques qui y ajoutent quelqu’idée particulière, ou explicative, ou déterminative. Alors le mot principal, auquel est faite cette addition, est seul le sujet grammatical de la proposition ; puisque lui seul est assujéti, en qualité de sujet, aux lois de la syntaxe de chaque langue ; et que tous les mots qui servent à l’expliquer, à l’étendre, à le restreindre ou à le déterminer, sont dans sa dépendance, et reçoivent de lui les formes, les inflexions, la place, les accidens qu’ils doivent avoir à raison de cette dépendance (544, 545). Ce même mot principal, réuni à ceux qui dépendent de lui et dont l’adjonction rend le sujet complexe, est le sujet logique de la proposition ; parce que c’est de la réunion de tous ces mots que résulte l’expression totale de l’idée déterminée, dont l’esprit aperçoit l’existence intellectuelle sous telle relation à tel attribut (624). Ainsi dans cette proposition : l’orgueil qu’inspire la fortune, ou la beauté, ou la parure, est le plus sot de tous ; l’orgueil est le sujet grammatical ; l’idée totale exprimée par les mots l’orgueil qu’inspire la fortune, ou la beauté, ou la parure, est le |486 sujet logique ; et ce sujet est simple (640), quoique complexe (647).

Attribut in­complexe.

 

649. L’attribut est incomplexe, lorsque la relation du sujet à la manière d’être dont il s’agit y est exprimée en un seul mot, soit que ce mot renferme en même temps dans sa signification l’existence intellectuelle du sujet et l’attribut (491), soit que cette existence soit exprimée séparément par une forme du verbe être (490), et l’attribut par un autre mot. Dans les propositions : j’étudie ; vous êtes appliqué, les attributs sont également incomplexes.

Attribut com­plexe.

 

650. L’attribut est complexe, lorsque le mot principalement destiné à énoncer la relation du sujet à la manière d’être qu’on lui attribue, est accompagné d’autres mots qui en modifient, en expliquent ou en déterminent la signification. Ainsi si je dis : j’étudie avec soin les ouvrages relatifs à la Grammaire, le mot principal étudie ou suis étudiant, qui constitue l’attribut, est accompagné 1.o des mots avec soin qui présentent l’action d’étudier comme modifiée par un caractère particulier ; 2.o des mots les ouvrages relatifs à la Grammaire, qui déterminent la même action d’étudier par |487 l’application de cette action à des ouvrages déterminés.

 

 

 

 

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE PROPOSITIONS, QUI NAISSENT DES DIFFÉRENTES FORMES DU SUJET ET DE L’ATTRIBUT.

 

Nec verò hæ sine lege datæ ; sine mente figuræ. (Hyer. Vid. Art. poët.)

Proposition simple.

 

651. Lorsque le sujet et l’attribut sont simples, c’est-à-dire, également déterminés chacun par une seule idée totale (640, 643), la proposition est simple. Telles sont les propositions citées aux n.os 634, 635, 636, 640 : telle est encore celle-ci : les jouissances que procure la vertu sont préférables à toutes les autres jouissances.

Proposition composée.

 

652. Si le sujet est composé (642), si l’attribut l’est (645), ou si tous les deux le sont, la proposition est composée. Il y a donc trois sortes de propositions composées ; celle qui l’est par le sujet seulement ; celle qui l’est par l’attribut seulement ; et celle qui l’est par ces deux parties ensemble.

Décomposi­tion d’une pro­po­si­tion com­posée par le su­jet.

 

653. Une proposition composée par le sujet, peut se décomposer en autant de propositions simples qu’il y a d’idées partielles dans le sujet composé, et toutes ces propositions |488 auront des sujets différens et le même attribut. Ainsi cette proposition : l’énergie du caractère, l’habitude des privations et la constance dans les souffrances sont très-utiles à notre bonheur ; se décompose en ces trois : l’énergie du caractère est très-utile à notre bonheur ; l’habitude des privations est très-utile à notre bonheur ; la constance dans les souffrances est très-utile à notre bonheur.

Décomposi­tion d’une pro­po­si­tion com­posée par l’at­tribut.

 

654. Une proposition composée par l’attribut, peut se décomposer en autant de propositions simples qu’il y a d’idées partielles dans l’attribut composé ; et chacune de ces propositions aura le même sujet et un attribut différent. Ainsi cette proposition : la plupart des hommes sont égoïstes et se décident sur les apparences, se décompose en ces deux-ci : la plupart des hommes sont égoïstes ; la plupart des hommes se décident sur les apparences.

Décomposi­tion d’une pro­po­si­tion com­posée par le su­jet et par l’at­tribut.

 

655. Une proposition composée par le sujet et par l’attribut peut se décomposer 1.o en autant de propositions ayant chacune le même attribut composé, qu’il y a d’idées partielles dans le sujet composé ; 2.o chacune de ces propositions élémentaires peut se décomposer encore en autant de propositions simples, qu’il y a d’idées partielles dans |489 l’attribut composé (654) : de manière que chacune des idées partielles de l’attribut composé pouvant être comparée avec chacune des idées partielles du sujet composé, et chacune de ces comparaisons donnant une proposition simple, on a un nombre de propositions simples égal au nombre des idées partielles du sujet composé multiplié par le nombre des idées partielles de l’attribut composé. Prenons cette proposition composée : l’orgueil et la dissipation détruisent les plus douces jouissances du cœur, sont un obstacle à notre instruction et nous exposent à mille démarches inconsidérées. En décomposant d’abord le sujet, nous aurons ces deux propositions composées par l’attribut : l’orgueil détruit les plus douces jouissances du cœur, est un obstacle à notre instruction et nous expose à mille démarches inconsidérées ; la dissipation détruit les plus douces jouissances du cœur, est un obstacle à notre instruction et nous expose à mille démarches inconsidérées. En décomposant l’attribut de chacune de ces propositions élémentaires, on aura les six propositions suivantes : l’orgueil détruit les plus douces jouissances du cœur ; l’orgueil est un obstacle à notre instruction ; |490 l’orgueil nous expose à mille dé­marches inconsidérées ; la dissipation détruit les plus douces jouissances du cœur ; la dissipation est un obstacle à notre instruction ; la dissipation nous expose à mille démarches inconsidérées.

656. Il en sera de même de toute autre proposition dont les parties composantes seraient liées, soit dans le sujet, soit dans l’attribut, par toute autre conjonction que par la conjonction et : et cette décomposition confirme ce que nous avons dit ailleurs (548, 558), que les conjonctions lient les propositions en les modifiant, et qu’elles sont elles-mêmes de véritables phrases elliptiques.

Proposition incomplexe.

 

657. Une proposition est incomplexe quand le sujet et l’attribut en sont également incomplexes (645, 649) : Dieu est bon ; mentir est une lâcheté.

Proposition complexe.

 

658. Une proposition est complexe lorsque le sujet, ou l’attribut, ou ces deux parties ensemble sont complexes. L’autorité de l’exemple décide ; voilà une proposition complexe par le sujet : Robespierre fut l’oppresseur de sa patrie, dont il aurait dû être le défenseur ; en voilà une complexe par l’attribut : haïr le travail, c’est être ennemi |491 de son propre bonheur ; en voilà une qui est complexe par le sujet et par l’attribut.

Manière de trouver l’ordre analytique des parties d’une proposition.

 

659. L’ordre analytique des parties essentielles d’une proposition complexe n’est pas toujours aussi sensible que dans les exemples que nous venons de citer ; c’est alors à l’art même de l’analyse de le retrouver. Si l’on a cette proposition, par exemple : c’est être coupable envers l’humanité que de ne pas soulager, autant qu’on le peut, les maux de ceux qui souffrent : il est clair d’abord que l’on attribue ici à la chose dont on parle que c’est être coupable envers l’humanité, et par conséquent que est être coupable envers l’humanité est l’attribut de cette proposition ; mais le sujet, quel est-il ? le voici : ce (sujet grammatical) (648) de ne pas soulager, autant qu’on le peut, les maux de ceux qui souffrent, (addition qui rend le sujet complexe, en le déterminant) (647). La construction analytique est donc : ce de ne pas soulager, qu’autant qu’on le peut, les maux de ceux qui souffrent, est être coupable envers l’humanité.

Proposition in­cidente, et pro­position princi­pale.

 

660. Quelquefois les additions faites, soit au sujet, soit à l’attribut, soit à quelque autre terme qui modifie l’un ou l’autre, sont elles-mêmes des propositions ayant |492 leur sujet et leur attribut, simples ou composés, incomplexes ou complexes. Ces propositions s’appellent propositions incidentes, et celles dont elles sont parties immédiates sont nommées propositions principales.

Deux sortes de propositions in­cidentes.

 

661. Ainsi, une proposition incidente est toujours partielle à l’égard de la proposition principale, et elle se lie toujours à l’un des termes de celle-ci, dont elle est un supplément, ou explicatif, ou déterminatif. Il y a donc deux sortes de propositions incidentes, en les considérant relativement à leur influence sur la proposition principale ; savoir : la proposition explicative, et la proposition déterminative.

Proposition explicative.

 

662. La proposition incidente explicative sert à développer la compréhension de l’idée exprimée par le mot auquel elle est liée, afin d’en faire sortir, pour ou contre la proposition principale, ou une preuve, ou un motif. Alors on peut toujours la retrancher de la proposition principale, sans altérer le sens de celle-ci : parce que, ne servant qu’à expliquer ou à développer l’étendue de la signification du mot auquel elle est jointe, cette étendue demeure dans son entier après la suppression de la proposition explicative. Faisons-en l’essai sur une propo- |493 sition de ce genre : l’homme, qui devrait sentir toute la dignité de sa nature, devrait se conduire conformément à la raison. Les mots qui devrait sentir toute la dignité de sa nature forment une proposition, dont le sujet est qui pour lequel homme, et l’attribut, devrait sentir toute la dignité de sa nature. Cette proposition est incidente (660), puisqu’elle est une addition faite aux mots l’homme (pour le homme), qui forment le sujet de la phrase principale, l’homme devrait se conduire conformément à la raison, et puisqu’elle est subordonnée à celle-ci. Elle est explicative (662), puisqu’elle sert à développer la compréhension de l’idée exprimée par le sujet l’homme, et qu’elle exprime un motif en faveur de la proposition principale. Néanmoins, comme ce développement n’est pas absolument nécessaire, comme ce motif est implicitement renfermé dans l’idée du sujet l’homme, on peut supprimer la proposition incidente explicative, sans altérer la proposition principale, qui sera alors : l’homme devrait se conduire conformément à la raison. Il en serait de même d’autres propositions explicatives ; puisque, dès qu’elles ne sont qu’explicatives, le développement qu’elles expriment est toujours implicitement |494 renfermé dans l’idée du mot auquel elles se lient.

Antécédent.

 

663. Le mot expliqué par la proposition incidente explicative est l’antécédent de celui qui sert à faire la liaison. Ainsi, dans la proposition ci-dessus, l’homme est l’antécédent de qui. En pareil cas, en réunissant le sujet de la phrase principale à l’attribut de la phrase incidente explicative, il en résulte toujours une proposition vraie : l’homme devrait sentir toute la dignité de sa nature ; et c’est là un moyen sûr de reconnaître si la phrase incidente est explicative.

Proposition déterminative.

 

664. La proposition incidente déterminative ajoute à l’idée du mot auquel elle est jointe, une idée particulière qui la restreint à une étendue moins générale. Considérons la proposition déjà citée n.o 640 : La gloire, qui vient de la vertu, a un éclat immortel : les mots qui vient de la vertu forment une vraie proposition incidente, dont le sujet est qui pour laquelle, et l’attribut, vient de la vertu. Elle est déterminative, puisque l’idée particulière qu’elle ajoute au mot gloire auquel elle est jointe, restreint l’idée exprimée par ce mot ; de manière que, par cette addition, au lieu de signifier la gloire |495 en général, toute espèce de gloire, il est restreint à n’exprimer qu’une sorte de gloire, celle, exclusivement à toute autre, qui vient de la vertu.

Moyen de re­connaître les pro­positions in­cidentes dé­ter­mi­na­tives.

 

665. Lorsque la proposition incidente est déterminative, on ne peut la supprimer sans altérer la proposition principale. Ainsi on ne peut pas dire : la gloire a un éclat immortel : car il s’agirait alors de la gloire en général, d’une gloire quelconque, acquise par des moyens quelconques ; ce qui n’est pas le sens de la proposition totale (664) ; et ce qui ferait souvent une proposition fausse ; tandis que, avec la proposition incidente déterminative, elle est vraie. On reconnaît donc qu’une proposition incidente est déterminative, lorsque, en la supprimant, on altère le sens de la proposition principale.

La suppres­sion de la pro­po­sition déter­minative altère le sens de la pro­position princi­pale.

 

666. Cette altération du sens doit nécessairement avoir lieu. Car, puisque la proposition déterminative restreint l’étendue de la signification du mot auquel elle est liée, que cette restriction ne pourrait jamais être renfermée implicitement dans la signification de ce mot, qu’elle est uniquement dans l’entendement de celui qui parle, et que conséquemment elle ne peut jamais être |496 supposée, mais qu’elle doit être explicitement énoncée, il est évident que la suppression de la proposition déterminative doit altérer le sens de la proposition principale. Avec la proposition déterminative, le mot, qui en est modifié, n’a qu’une étendue de signification limitée, déterminée à tel point, ou de telle manière : par la suppression de la proposition déterminative, ce même mot reprend toute la généralité, toute l’étendue de la signification qui lui est propre ; il n’exprime donc pas la même idée dans les deux cas ; et conséquemment le sens est nécessairement altéré par la suppression de la proposition incidente déterminative.

Autre moyen de reconnaître les propo­si­tions déter­minatives.

 

667. Si l’on réunit le sujet de la proposition principale à l’attribut de la proposition incidente déterminative, il en résulte une proposition fausse ; comme celle-ci : la gloire vient de la vertu ; car on exprime alors que toute gloire vient de la vertu ; ce qui n’est pas vrai. Toute proposition semblable est nécessairement fausse, parce que le sujet principal, sans la proposition déterminative, est pris dans toute l’étendue de sa signification : l’attribut de la proposition déterminative, au contraire, a une étendue |497 de signification plus bornée par cela même qu’elle est déterminative ; et qu’ainsi, en comparant ce sujet et cet attribut pour en faire une proposition, on doit avoir un résultat faux, comme lorsqu’on veut faire une équation avec deux quantités inégales. On a donc encore là un autre moyen de reconnaître si une proposition incidente est déterminative.

La proposition incidente se lie à tout mot dont on veut déve­lopper le sens ou res­treindre l’é­ten­due.

 

668. Les propositions incidentes que nous avons citées jusqu’ici, tombent sur le sujet de la proposition principale : mais elles peuvent se lier aussi à l’attribut ; comme dans celle-ci (658) : Robespierre fut l’oppresseur de sa patrie, dont il aurait dû être le défenseur ; ou l’une au sujet et l’autre à l’attribut, comme dans celle-ci : les élèves qui étudient avec ardeur, font des progrès dans la Grammaire, qui est une science très-utile. Une proposition incidente peut donc se lier à tout mot dont on veut développer la compréhension ou restreindre l’étendue.

La liaison de la proposition in­ci­dente à un mot se fait de diffé­rentes ma­nières.

 

669. La liaison de la proposition incidente à un mot ne se fait pas seulement au moyen des mots qui, que, dont, lequel, comme on le pense communément ; mais même au |498 moyen de la conjonction que (a) [2] : l’état présent des sciences prouve que l’esprit humain a fait de grands efforts, c’est-à-dire : l’état présent des sciences prouve une chose qui est (557) : l’esprit humain a fait de grands efforts, (proposition incidente liée à l’attribut par la conjonction que) ; ou par le moyen de la conjonction si : la vertu, si on la pratique constamment, conduit au bonheur ; le vice est tellement hideux par lui-même, qu’il est obligé de prendre le masque de la vertu.

Manière de re­con­naître les par­ties lo­giques et les parties gram­maticales.

 

670. La proposition incidente, soit explicative, soit déterminative, forme toujours avec son antécédent (663) un tout qui est une partie logique de la proposition principale ; l’antécédent en est la partie grammaticale correspondante (648.) La Grammaire, que nous étudions, nous sera utile : dans cette proposition, la Grammaire est seul sujet grammatical de la proposition principale, et doit, comme tel, être seul assujéti aux lois de la syntaxe de chaque langue (648) : la Grammaire que nous étudions est le sujet logique (648), parce que |499 c’est l’expression totale de l’idée unique de laquelle on assure qu’elle sera utile. De même dans cette proposition : il faut que je sache bien la Grammaire ; c’est-à-dire : il faut cette chose, qui est je sache bien la Grammaire (557) ; il pour cette chose, est le sujet grammatical de faut ; il que je sache bien la Grammaire est le sujet logique ; et la construction analytique est : il que je sache bien la Grammaire faut, ou est nécessaire. Ces observations sont faciles à appliquer à toutes les propositions, soit que la proposition incidente tombe sur le sujet (660-668), soit qu’elle tombe sur le complément d’une préposition (583), ou d’un verbe (491), ou sur le complément déterminatif d’un nom appellatif (600).

Les propo­si­tions inci­dentes ont les mêmes parties essen­tielles que les pro­po­sitions prin­ci­pales.

 

671. Nous avons déjà observé (662, 664) que la proposition incidente a les mêmes parties essentielles que la proposition principale, le sujet, l’attribut, et les divers complémens. Déterminons encore ces parties dans cette proposition : Robespierre fut l’oppresseur de sa patrie, dont il aurait dû être le défenseur : voilà une proposition totale : dont il aurait dû être le défenseur est une proposition incidente, qui tombe sur l’attribut (668) ; il (Robespierre), sujet |500 de l’incidente ; aurait dû, attribut grammatical ; aurait dû être le défenseur dont, ou de laquelle, attribut logique ; dont, pour de laquelle, complément déterminatif du nom appellatif le défenseur : voilà les parties de la proposition incidente, qui est déterminative de son antécédent (663), de sa patrie. Dans la proposition totale, Robespierre est le sujet grammatical et logique (648) ; fut l’oppresseur est l’attribut grammatical ; de sa patrie est le complément déterminatif grammatical du nom appellatif l’oppresseur ; de sa patrie dont il aurait dû être le défenseur en est le complément déterminatif logique ; fut l’oppresseur de sa patrie dont il aurait dû être le défenseur, attribut logique de la proposition totale.

Le mot con­jonctif souvent placé après une prépo­sition.

 

672. Le mot qui sert à lier la proposition incidente à son antécédent (663), devrait être toujours à la tête de la proposition incidente, et immédiatement après l’antécédent, soit grammatical, soit logique, pour que la liaison fût plus sensible, et l’énonciation de la pensée plus claire. Cependant, dans notre langue, dont la marche est analogue en général à l’ordre analytique, le mot conjonctif est souvent après une préposition, dont il est complément : les |501 flatteurs sur qui vous comptez vous trompent ; ou même après le complément grammatical d’une préposition, s’il est déterminatif de ce complément : les flatteurs, sur les éloges de qui vous comptez, se rient de vous.

Une préposi­tion, quelque com­posée qu’elle soit, se ré­duit au sujet et à l’attribut.

 

673. Ainsi, quelque composée, ou quelque complexe que puisse être une proposition, eût-elle l’étendue et la forme que les orateurs donnent à une période, l’analyse la réduit toujours aux deux parties fondamentales et essentielles, qui sont le sujet et l’attribut.

La Grammaire ne considère que les pro­po­sitions simples et les com­posées, les incom­plexes et les com­plexes, les princi­pales et les inci­dentes.

 

674. Relativement à la matière de la proposition, la Grammaire peut se passer d’en considérer d’autres espèces. Il est utile qu’elle connaisse les propositions simples et les composées (651, 652), parce que la syntaxe établit des lois sur les inflexions numériques des mots (543, 544), et que l’usage des conjonctions serait peut-être inexplicable sans la connaissance de leur emploi et de leur utilité dans les propositions composées (656, 669). Elle doit connaître les propositions incomplexes et les complexes, parce qu’elle doit indiquer et caractériser la relation des propositions incidentes, et donner des règles pour la construction des parties logiques et des parties grammaticales, qui, sans cela, ne pourraient être suffisamment discernées. Mais c’est |502 tout ce qu’elle doit faire : et, si la distinction des propositions conditionnelles, modèles, exclusives, causales, relatives, etc., peut être utile à la logique, pour mieux discuter la vérité, elle ne peut être d’aucune utilité dans la Grammaire. Elle doit donc y renoncer.

Relativement au sens, elles peuvent toutes se ré­duire à deux classes.

 

675. Si nous considérons les propositions relativement au sens qu’elles expriment (a) [3], on peut les réduire à deux classes générales, quelque diversifiées qu’elles paraissent entr’elles. Ainsi, si nous disons avec un poëte :

Et les difficultés, dont on est combattu,
Sont les dames d’atour qui parent la vertu. (Mol., l’Étourdi, a. 5, sc. 11.)

ou avec un autre:

Je compris donc qu’aux œuvres de génie,
Où la raison s’unit à l’harmonie,
L’âme toujours a la première part,
Et que le cœur ne pense point par art. (Rous., ép. 6, l. 1.)

ce sont évidemment deux propositions affirmatives.

|503 Quand, dans la Mort de César, Cassius dit à Brutus :

Ah ! Brutus, es-tu né pour servir sous un maître ? (Volt.)

ou quand Rousseau dit :

Comment s’est fait tout ce que nous voyons ?
Pourquoi ce ciel, ces astres, ces rayons ?
Quelle vertu, dans la terre enfermée,
Produit ces biens dont on la voit semée ?
Quelle chaleur fait mûrir ses moissons,
Et rajeunir ses arbres, ses buissons ? (Allég. 3, liv. 2.) (a) [4]

ce sont évidemment des propositions interrogatives.

Quand Thésée dit à Hipolyte :

Fuis, traître, ne viens point braver ici ma haine,
Et braver un courroux que je retiens à peine. (Racine.)

ou, quand Voltaire dit :

Descends du haut des cieux, auguste vérité,
Répands sur mes écrits ta force et ta clarté. (Henr., ch 1.)

enfin quand Boileau dit :

Muse, redis-moi donc quelle ardeur de vengeance
De ces hommes sacrés rompit l’intelligence. (Lut., ch. 1.)

ce sont des propositions impératives, quoique |504 le sentiment qui les produit soit différent : les deux dernières pourraient être nommées suppliantes ou optatives.

Faudra-t-il donc distinguer ainsi à l’infini toutes les propositions, qui, pour l’expression ou la nuance particulière, diffèrent les unes des autres ? Rappelons-nous que la faculté de penser se divise en deux facultés distinguées par leur objet (65), l’entendement et la volonté ; que toutes les opérations de l’âme, qui ont pour base l’attention, constituent l’entendement ; et que toutes celles qui sont fondées sur le besoin appartiennent à la volonté. D’après cela, toutes les propositions affirmatives, etc., se rapportent à l’entendement ; et les propositions interrogatives, impératives, optatives, etc., se rapportent à la volonté : car interroger, c’est vouloir être informé ; commander, c’est vouloir être obéi, etc. Toute proposition est donc l’expression d’un acte de l’entendement, ou d’un acte de la volonté.

 

 

Notes

[1] (a) Ambulabimus est une proposition complète, de même que amamus, amamur, etc. : pour s’en assurer, il n’y a qu’à traduire ces expressions par leurs équivalentes : nos erimus ambulantes ; nos sumus amantes ; nos sumus amati.

[2] (a) Il en est de même en italien : credo che amo ; c’est-à-dire : credo una cosa chè è amo. En anglais, I think that I love ; c’est-à-dire: I think a thing that is I love.

[3] (a)

Hoc sermone pavent ; hoc iram, gaudia, curas,
Hoc cuncta effundunt animi secreta. (Juven., sat. 6.)

[4] (a) Au lieu de ses il faudrait en, comme nous l’expliquerons dans la Grammaire française (963).