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Septième Leçon.

Manuel Des élèves du Cours de Grammaire-Générale Par Demandes et par Réponses.

Table des matières

 

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Septième Leçon.

80.

D.

Donnez nous la nomenclature des diverses opérations de l’âme ?

 

R.

La voici : l’attention ; la comparaison ; le jugement ; la réfléxion ; l’imagination ; le raisonnement.

81.

D.

Qu’est-ce que l’attention ?

 

R.

On nomme en général objet tout cequi s’offre aux sens et à l’esprit. Lorsque vous jettez indifféremment les yeux sur tous les objets qui se présentent à vous, vous ne remarquez pas plus les uns que les autres ; mais si vous fixez les yeux sur un d’eux, vous remarquez plus particulièrement les sensations qu’il fait sur vous, et vous ne vous appercevez plus des sensations que les autres vous envoient. Ainsi cette sensation particulière devient ceque nous appellons attention.

82.

D.

Qu’est-ce que la comparaison ?

 

R.

Donner tout à la fois votre attention à deux objets, c’est les remarquer en même tems. Or, les remarquer en même tems, c’est les comparer ; la comparaison n’est donc que l’attention donnée à deux choses. Dire que nous donnons notre attention à deux choses, c’est dire qu’il y a en |[54] nous deux attentions. La comparaison n’est donc qu’une double attention.

83.

D.

Qu’est-ce que le jugement ?

 

R.

Le jugement est une pensée de l’esprit, qui affirme ou qui nie une chose d’une autre ; affirmer, c’est joindre ; nier, c’est séparer.

Lorsque vous comparez deux objets, vous voyez qu’ils font sur vous les mêmes sensations, ou des sensations différentes ; vous voyez donc qu’ils se ressemblent ou qu’ils diffèrent. Or, c’est là juger. La comparaison renferme donc le jugement ; et, par conséquent, il n’y a dans le jugement, comme dans la comparaison, que ceque nous appellons sensation.

84.

D.

Quelle est la matière du jugement ?

 

R.

Les idées sont la matière du jugement : il en renferme deux, dont l’une s’appelle sujet ; et l’autre attribut. Le sujet est ce dont on affirme, ou dont on nie ; et l’attribut est cequi est affirmé ou nié ; par exemple, si on affirme que dieu est juste ; dieu est le sujet, et juste est l’attribut de ce jugement.

85.

D.

A quoi nous sert cette opération de l’âme ?

 

R.

La faculté que Dieu a donnée à l’homme pour suppléer au défaut d’une connaissance claire et certaine dans des cas où l’on ne peut |[55]l’obtenir ; c’est le jugement, par où l’esprit suppose que ses idées conviennent, ou disconviennent, ou, cequi est la même chose, qu’une proposition est vraie ou fausse, sans appercevoir une évidence démonstrative dans les preuves. L’esprit met souvent en usage ce jugement par nécessité, dans des rencontres ou l’on ne peut avoir des preuves démonstratives et une connaissance certaine.

86.

D.

Quels moyens devons-nous employer pour éviter les erreurs dans nos jugemens ?

 

R.

Pour ne jamais nous tromper dans les jugemens que nous portons, nous ne devons juger que lorsque nous avons des idées évidentes, c’est-à-dire, claires, nettes et exactes qui nous réprésentent les choses dont nous jugeons, telles qu’elles sont en effet : par le moyen de ces idées, nous voyons toujours la convénance ou la différence qui est entre les objets qu’elles nous réprésentent.

87.

D.

Qu’est-ce que la réfléxion ?

 

R.

Vous pouvez conduire successivement votre attention sur plusieurs choses ; alors l’attention fait une suite de comparaisons, et porte une suite de jugemens ; vous remarquez qu’elle réfléchit en quelque sorte, d’une |[56] chose sur une autre, d’une partie sur une partie, d’une qualité sur une qualité. Alors elle prend le nom de réfléxion.

La réfléxion n’est donc que l’attention qui va et revient d’une idée à une autre, jusqu’à ceque nous ayons assez observé et assez comparé, pour juger de la chose que nous voulons connaître.

88.

D.

Qu’est-ce que l’imagination ?

 

R.

Mon attention peut se porter sur le souvenir d’un objet absent, et me le réprésenter comme présent. Elle peut aussi se porter, par exemple, d’un coté sur l’idée de d’homme, et de l’autre, sur l’idée de cent coudées, et faire des deux une seule idée. Dans l’un ou l’autre cas, l’attention prend le nom d’imagination. C’est pourquoi on dit qu’un homme à imagination est un esprit créateur. En effet, de plusieurs qualités que l’auteur de la nature a répandûes dans différens objets, il en fait un seul tout, et il crée des choses qui n’existent que dans son esprit.

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89.

D.

Comme de toutes les opérations intellectuelles, l’attention est celle qui laisse le plus d’intervalle entre un homme et un homme ; et que le talent de diriger l’attention, de la prolonger, de la fixer, fait le principal objet de l’étude d’un élève et le principal mérite de l’instituteur, veuillez-bien nous dire encore quelque chose sur cette matière, et surtout sur le méchanisme de l’attention ?

 

R.

C’est l’attention qu’on a tour-à-tour designée sous le nom de réfléxion, d’étude, d’observation, d’examen, de méditation, de contention, d’esprit ; et dans ces derniers tems d’analyse, devenue si ridicule par l’idée de découverte qu’on a voulu y attacher, et surtout par l’usage qu’on en a fait.

L’attention est la plus vive des perceptions que nous éprouvons en même tems ; et comme l’organisation du système sensible ne nous permet pas d’en éprouver plus d’une à la fois, l’attention est .... la perception ; définition qui ne laisse pas que de jetter un grand jour sur la chose définie.

Ainsi nous remarquons tous les jours que les personnes les plus impressionables, ne sont |[58] pas celles qui refléchissent le plus. Notre expérience nous apprend que le moment où l’on est le plus vivement émû, est le moins favorable à l’attention.

90.

D.

Par quel méchanisme la méditation, ou, cequi est le même, la vive attention, suspend-elle l’activité des sens extérieurs ?

 

R.

1.o Lorsque la substance du cerveau est comprimée, la sensibilité est suspendue ; les objets extérieurs frappent [?en vain] les organes, l’impression n’arrive pas jusqu’à l’âme, et toutes ses facultés restent enchainées, tant que la compression subsiste.

2.o Pendant que la poitrine est resserrée par le mouvement de l’expiration, la substance du cerveau se trouve comprimée : les phisiologistes se sont assurés que le mouvement du cerveau était réel ; que ces rithmes correspondaient à ceux du poûmon, que le cerveau s’enflait pendant l’expiration, et s’affaissait pendant l’inspiration, et ils ont été forcé de convenir, que la substance du cerveau se trouve réguliérement exposée à un état de gêne et de compression.

3.o Lorsque nous avons besoin de méditer, |[59] quel tems de la respiration choisissons-nous machinalement pour cela ? Celui de l’expiration, c’est-à-dire, celui où le cerveau se trouve comprimé, par conséquent celui où la sensibilité est affaiblie ou suspendue.

91.

D.

Que s’ensuit-il de cette espèce de méchanisme du cerveau ?

 

R.

L’effet physique de l’attention est donc une espèce d’apopléxie momentanée, que nous nous procurons par un instinct naturel, non comme un moyen de rendre plus vive l’idée que nous voulons approfondir, mais comme un moyen de nous soustraire aux impressions extérieures, qui pourraient remplir la capacité de notre esprit, ou du moins l’affaiblir en la partageant.

92.

D.

Il parait donc que la mesure et le genre d’esprit d’un homme sont toujours renfermés dans la réponse à cette double question : de quelle tenue d’attention est-il susceptible ? Quels sont les objets qui fixent son attention ?

 

R.

Sans contredit : les parens, les instituteurs peuvent bien indiquer les objets sur lesquels l’attention d’un enfant doit |[60]s’arretter, lui inspirer du goût, et même de la passion pour ces objets ; mais les conseils, les méthodes, les menaces, les châtimens, n’ont aucune prise sur la tenue d’attention, et c’est ici que l’insuffisance des causes morales se fait sentir.

C’est au tempérament, à l’âge, à l’hygiène, qu’il appartient de donner aux fibres cette consistance qui facilite l’exercice de l’attention, en écartant la pluspart des impressions du dehors, et aux tuniques des vaisseaux, cette fermeté qui résiste à l’impression du sang ; par conséquent à la fatigue de la meditation.