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IIe. partie. Grammaire.


 

E S S A I

D’UN COURS ABRÉGÉ

D E

G R A M M A I R E

G É N É R A L E.

PAR N. B[ignon] PROFESSEUR.

 

A ROUEN,
De l’Imprimerie, de F. BAUDRY ; fauxbourg
Bouvreuil, no. 33.
AN XI [1802/1803].

 

 

[IIe. partie. Grammaire. Programme]

 

[iii] L’IDÉOLOGIE nous a fourni une suite de notions concernant les élémens, le sujet, les modes et le mécanisme de la pensée : nous connaissons le dessin général de tous les tableaux qui peuvent s’offrir à l’esprit. Mais l’esprit, suivant l’expression de Locke, est une sorte de chambre-noire ; et les tableaux qui s’y forment ne sont sensibles que pour l’intérieur.

Il s’agit donc ici d’examiner par quel art, et suivant quels principes nous pouvons tirer, de ces tableaux intérieurs, des sortes de copies qui soient sensibles au-dehors ; afin d’établir un commerce d’échange entre les esprits, qui ne peuvent s’entre-communiquer eux-mêmes ; tel est l’objet de la Grammaire (γραμματικη) |iv qui, comme nous l’avons dit, est l’art de peindre les pensées.

Pour cet effet, la 1ere. section de cette partie sera divisée en cinq chapitres : dans le premier nous traiterons de l’analyse de la pensée en général : dans le 2e. nous rechercherons les moyens naturels qui sont à la disposition de l’homme pour l’analyse de la pensée, ou pour l’invention du langage : dans le 3e. nous tâcherons de poser quelques principes généraux sur la formation d’une premiere langue : dans le 4e. nous décomposerons le discours dans ce qu’il contient de commun à toutes les langues formées : enfin, dans le 5e. chapitre, nous examinerons les élémens que l’analyse précédente nous aura procurés, pour reconnaître leurs propriétés distinctives, leurs accidens, et les loix générales qui doivent présider à leur association.

|v Ainsi, dans les trois premiers chapitres, nous procéderons du simple au composé, des premiers signes au systême du langage ; et dans les deux autres nous reviendrons suivant la même route en procédant du composé au simple, c’est-à-dire, du discours formé, à ses élémens : nous augurerons d’abord comment on aurait pu, ou comment on pourrait former un systême de signes analytiques et représentatifs de la pensée ; ensuite, passant de l’hypothèse à la réalité, nous observerons comment on a fait. Si les principes que nous avons posés dans l’idéologie peuvent résister à l’épreuve de cette double application et qu’ils continuent de nous éclairer dans notre marche ; nous pourrons être assurés du moins que ces principes ne sont point arbitraires. Cette premiere section constituera donc notre abregé de Grammaire générale.

|vj Dans la deuxieme section, nous tâcherons d’appliquer les principes généraux du langage que la premiere section nous aura procurés. En conséquence, nous examinerons les regles particulieres suivant lesquelles les élémens du discours doivent se modifier et s’organiser ensemble dans le français.

Notre marche est ici, pour le fond, la même que celle tracée par Condillac : sans doute la tâche nous eût été bien moins pénible, si nous eussions pu adopter aussi toutes ses idées ; mais on ne manque point à son maître, pour n’avoir pu toujours être de son avis. Les grandes autorités sont de puissantes raisons d’examiner, plutôt que des preuves.