Springe direkt zu Inhalt

Troisième partie. De la syntaxe.

Table des matières Discours préliminaire. Leçons préliminaires.

 

 

 

Grammaire.
Première partie.
Grammaire.
Seconde partie.
Troisième partie.
De la syntaxe.

 

 

 

|[125]

Troisième partie.

De la syntaxe.

 

Chapitre premier.

 

Nous sommes enfin parvenus à la partie la plus importante de notre travail. Les matériaux qui doivent entrer dans la construction de la période ont été rassemblés, examinés dans tous leurs rapports, avec toutes les formes dont ils sont susceptibles. Il ne s’agit plus que de les placer, de les lier, de les employer pour en former les différens tableaux de la pensée. Les mots sont nos couleurs, il faut les assortir et les fondre ensemble et pour cela considérer leur valeur relative et la place qu’ils doivent occuper : deux objets bien distincts dont l’un regarde la syntaxe et lautre la construction.

L’une donne la connoissance des signes établis dans une langue pour présenter indépen­damment de toute construction le tableau d’une opération combinée de l’esprit.

L’autre assigne à chaque mot d’après la convenance établie par l’usage la place qu’il doit occuper parmi |[126] les parties matérielles de la proposition d’après la valeur déterminée par la syntaxe.

C’est la syntaxe qui commande à chaque mot sa forme propre, c’est la construction qui en vertu de cette forme, arrange et place chaque mot au rang qui lui convient d’après les usages reçus. La totalité de ces mots arrangés pour cette fin, forme ce qu’on appelle une proposition qu’on peut définir l’expression totale d’un jugement. La syntaxe pour remplir son objet doit nous donner des instructions sur la proposition. Elle en examine pour cela la matière et la forme.

 

 

§ 1er De la matière de la proposition.

 

La matière de la proposition est tous les élémens dont elle se compose. Ces élémens sont ou logiques ou grammaticaux.

Les Elémens logiques de la proposition sont les Expressions de toutes les idées que l’esprit apperçoit dans la décomposition ou analyse qu’il fait de la pensée.

Exemple :

« Le soleil éclaire la terre. »

Cette proposition ne forme qu’une pensée ; cependant notre esprit y distingue lidée du soleil et l’idée d’éclairer, idées qu’il divise en deux parties logiques qu’on appelle le sujet et l’attribut.

Le sujet est la partie de la proposition qui exprime l’être dont l’esprit apperçoit l’existence sous une modification. Ainsi dans cette proposition le soleil éclaire la terre |[127] le soleil est le sujet que mon esprit apperçoit sous la modification d’éclairant.

Lattribut est la partie de la proposition qui exprime l’existence intellectuelle du sujet sous une modification ainsi dans la proposition : le soleil éclaire la terre. ?? éclaire est l’attribut parce qu’il exprime l’existence que le soleil a dans mon esprit sous la modification d’éclairant.

Les parties grammaticales de la proposition sont les mots qui constituent la totalité des parties logiques.

Exemple :

« Le souvenir du bien qu’il a fait, est la recompense du juste. »

La partie logique de cette proposition appellée sujet est le seul mot /le/ souvenir. Il est vrai qu’il amène à sa suite comme dépendans de lui ces autres mots, du bien qu’il a fait. La partie logique de la même proposition appellée l’attribut est ce mot-ci la recompense qui comme le sujet est suivi d’autres mots. Chacun de ces mots est un élément grammatical ; en voici l’analyse grammaticale avec chaque dénomination.

Le, article indicatif, indéfini toutes les fois qu’il n’est pas déterminé, ou par le pronom relatif, ou par un nom attaché à celui dont le est article.

|[128] Souvenir, nom substantif abstrait du genre masculin et au nombre singulier.

Du, pour de le, préposition d’union et article indicatif.

Bien, nom substantif abstrait du genre masculin et au nombre singulier.

Que, pronom relatif et objet d’action du verbe suivant.

Il, Pronom personnel substantif de la 3e personne sujet de la phrase incidente du nombre singulier.

a fait, verbe actif à la 3e personne du nombre singulier au temps passé absolu.

Est, verbe substantif, à la 3e personne, du nombre sing. au temps présent absolu, appartenant à la phrase principale dont il sert à lier les élémens.

La, article, du genre feminin, défini ci-dessus.

Recompense, nom substantif abstrait.

Du, pour de le, expliqué ci-dessus.

Juste, mot ordinairement adjectif, mais ici nom qualificatif, employé pour ces deux mots homme juste.

Telle est l’analyse grammaticale d’une proposit[ion].

|[129] On en dissèque toutes les parties, on les nomme à mesure ; on les considère comme formant une phrase. Dans l’analyse logique au contraire, on considère moins les mots que les idées ; on nomme aussi ce qui les représente et on considère ces élémens comme formant une proposition. Ainsi il peut donc y avoir deux analyses à faire dans une phrase : l’une grammaticale quand on considère matériellement la phrase comme composée de mots ; L’autre logique quand on en considère les parties intégrantes, comme le sujet, l’attribut, la liaison.

Les différentes matières dont les parties grammaticales constituent ou forment les parties logiques font naître les différentes propositions suivantes

Les Propositions simples.

Les Propositions composées.

Les Propositions incomplexes.

Les Propositions complexes.

Les Propositions principales.

Les Propositions incidentes.

Les Propositions subordonnées.

 

|[130]

§ 2 De la Proposition simple.

 

La proposition simple est celle dont le sujet et l’attribu[t] sont simples.

Le sujet est simple quand il présente à l’esprit un être déterminé par une idée unique.

Exemples :

« La vertu est austère. »

« Le vice est séduisant. »

Lattribut est simple quand il n’exprime qu’une seule manière d’être d’un sujet, soit qu’il le fasse en un seul mot comme dans les exemples précédens ; soit qu’il le fasse en plusieurs mots comme dans l’exemple suivant.

« Un outrage est une étincelle jettée dans le cœur de l’offensé. »

Les attributs de toutes ces propositions sont simples, parce que chacun deux n’exprime qu’une seule manière d’être du sujet.

 

 

§ 3 De la proposition composée.

 

La proposition composée est celle dont le sujet et l’attribut ou même tous les deux sont composés.

Le sujet est composé quand il présente plusieurs sujets déterminés par des idées différentes, ainsi dans l’exemple suivant :

|[131] « Le vice et la vertu sont opposés. »

Le sujet total est composé, parce qu’il renferme deux sujets déterminés, chacun par l’idée de sa nature propre.

L’attribut est composé quand il ?? exprime plusieurs manières d’être d’un sujet. Ainsi quand on dit :

« Les jours du juste sont tranquilles et sereins. »

L’attribut total est composé, parce qu’il comprend deux manière[s] d’être des jours de l’homme juste : tranquilles et sereins.

 

 

§ 4 De la proposition incomplexe.

 

La proposition incomplexe est celle dont le sujet et lattribut sont incomplexés.

Le sujet est incomplexe quand il n’est exprimé que par un seul nom, ou par un seul pronom, ou par un infinitif. Ce sont les seules espèces de mots qui puissent présenter un sujet déterminé.

Exemple :

Les animaux sont mortels.

Ils mourront tous un jour.

Haïr est un grand mal.

L’attribut est incomplexe quand la manière d’être d’un sujet est exprimé en un seul mot. Cette |[132] manière d’être est quelquefois liée au verbe qui énonce l’existence comme dans cet exemple :

« Dieu me voit. »

Quelquefois elle est séparée et forme un mot à part.

Exemple :

« Je suis attentif. »

L’attribut dans le premier exemple est la qualité active voyant unie et confondue avec le verbe être.

Dans le second exemple chaque mot est distinct et séparé. Le sujet est le pronom je ; L’attribut est l’adjectif attentif et le verbe substantif qui lie l’un à lautre est je suis. Le sujet et l’attribut ne sont formés que d’un seul mot ; chacun d’eux est donc incomplexe, puisque toute proposition formée d’élémens incomplexes, ne peut être qu’incomplexe.

 

 

§ 5 De la proposition complexe.

 

La Proposition complexe est celle dont le sujet et l’attribut ou même tous les deux sont complexes.

Le sujet est complexe, quand le nom ou le pronom ou l’infinitif est accompagné de quelque addition qui sert à l’expliquer ou à le déterminer.

Exemple :

« Les plaisirs de l’esprit sont seuls dignes de l’homme. »

|[133] Lattribut est complexe quand le mot principal destiné à énoncer la relation du sujet à la manière d’être qu’on lui attribue est accompagné d’autres mots qui en modifient la signification.

Exemples :

« César fut le tyran de sa patrie. »

« Etre sage avec excès est une veritable folie. »

 

 

§ 6 De la proposition principale.

 

La proposition principale est une proposition complexe comparée avec une autre proposition qu’elle renferme comme partie complétive de son sujet ou de son attribut. Alors on l’appelle proposition principale, celle qui énonce la chose principale qu’on a dessein de dire.

Exemple :

« L’enfant qui est bien né, respecte ceux qui l’instruisent. »

La Chose qu’on veut dire est celle-ci : L’enfant respecte ceux qui l’instruisent.

Cette proposition, qui est bien né est jointe au sujet comme développement explicatif pour en completter le sens.

 

|[134]

§ 7 De la proposition incidente.

 

La proposition incidente est ainsi appellée du verbe latin incidere qui signifie tomber sur ou dans, parce qu’en effet cette proposition tombe sur le sujet ou sur l’attribut d’une proposition ou sur un autre mot dont elle est un supplément explicatif ou déterminatif ce qui a fait nommer la proposition incidente proposition explicative ou déterminative.

La proposition incidente est explicative lorsqu’elle sert à expliquer ou à développer la nature ou les propriétés de lêtre représenté par le mot auquel elle est liée.

Exemple :

« L’astre qui éclaire la terre pendant le jour, la réchaufe et la rend féconde. »

Qui éclaire la terre est une proposition incidente explicative jointe au sujet exprimé par le mot astre, pour en expliquer la nature.

La proposition incidente est déterminative lorsqu’elle donne une étendue moins générale au mot auquel elle est liée.

Exemple :

« Le Courage qui naît de l’amour de la patrie fait les heros. »

|[135] Qui naît de lamour de la patrie, détermine l’espèce de courage dont on parle dans cette proposition. Ce n’est donc plus le courage en général, mais le courage particulier qui naît de l’amour de la patrie.

 

 

§ 8 De la proposition subordonnée.

 

Le Caractère de la proposition subordonnée, c’est dêtre subordonnée à la phrase principale, de lui servir de développement et d’en marquer quelques circonstance[s].

Exemples :

« Quand les oracles commencèrent à paroître dans le monde, heureusement pour eux, la philosophie n’y avoit point encore paru. »

 

 

Chapitre II.

De la forme de la proposition.

 

On entend, par forme la figure extérieure d’un corps quelconque. Or cette figure extérieure de la proposition consiste dans l’arrangement respectif des parties qui la compose et dans les inflexions particulières de ces parties.

Par rapport à l’ordre des mots qui constituent une proposition, la syntaxe est de deux espèces.

Ou la syntaxe suit la nature dans l’arrangemen[t] |[136] des mots ou elle ne la suit pas. Elle suit la nature quand elle énonce précisément les mots nécessaires pour completter l’énonciation et qu’elle les place dans l’ordre et dans l’état dans lequel l’esprit conçoit les choses ; et alors la syntaxe est naturelle.

Ou la syntaxe ne suit pas la nature et cela arrive quand les mots qu’elle arrange sont en moindre nombre que les idées ou ne sont pas placés selon l’ordre que les idées ont dans l’esprit ; alors la syntaxe est figurée.

 

 

Exemple pour la syntaxe naturelle.

 

« La vertu fait le bonheur de l’homme. »

Tous les mots nécessaires pour l’énonciation complette d’une proposition se trouvent dans cette phrase. Il n’y en a pas un de superflu, pas un d’utile qui manque.

« La vertu » y est considérée comme une cause, comme un agent ; on l’a placée la première, parce qu’avant de produire son effet, il faut exister.

La cause nommée et présentée doit être suivi de l’effet lequel comprend l’action.

« La vertu fait »

Mais cet action demande à se porter sur un objet ; il y a un terme objet de cette action et ce terme est le bonheur.

« La vertu fait le bonheur. »

|[137] Mais on demande encore de qui la vertu fait le bonheur ? C’est donc un complément de plus à exprimer. On ajoute de lhomme.

« La vertu fait le bonheur de lhomme. »

Alors la proposition est complette. On y trouve un agent ou sujet exprimé par un nom ; une action exprimée par un verbe ; un objet d’action ou terme objectif exprimé par un autre nom, un dernier complément qui détermine le terme objectif exprimé par une préposition et un nom, lequel nom est lui même complément de la préposition.

Tous les mots qui composent cette proposition y sont donc justement nécessaires, et les mots finissent là où finit le sens. Il n’y a donc pas un mot de plus que ne l’exige le sens.

 

 

De la syntaxe figurée.

 

La syntaxe est figurée quand les mots dans la proposition sont en moindre nombre que les idées ou quand ils sont surabondans ou quand ils sont arrangés dans un ordre apposé à lordre naturel ; ce qui produit autant de figure[s] au[x]quelles les grammairiens |[138] ont donné des noms tirés de la langue grecque, lesquels signifient précisément ce qui arrive dans une proposition quand on sécarte de l’ordre naturel. Nous parlerons /plus au long/ de ces figures dans le Chapitre suivant.

1o Il arrive que les mots sont en moindre nombre que les idées ??. toutes les fois que l’empressement où nous sommes d’énoncer l’idée qui nous affecte, ne nous permet pas de songer aux mots qui ne sont pas essentiels à son énonciation nous retranchons tous ces mots et cette figure s’appelle Elipse qui signifie en grec retranchement. Comme dans ces phrases, au feu, au voleur, victoire, gloire à l’éternel.

2o Il arrive qu’aulieu de supprimer des mots, on en ajoute qui paroissent surabondans, et c’est une figure contraire à l’élipse : On la nomme pléonasme ??. Ce mot vient aussi du grec : il signifie surabondance.

On emploie cette figure quand on ajoute des mots dont le sens grammatical n’a aucun besoin, mais qui ajoute à la proposition des idées surabondantes qui y répandent plus de clarté et plus de force, comme |[139] quand on dit : je l’ai vu de mes yeux. Ces mots de mes yeux sont effectivement superflus, parce qu’on ne peut voir que de ses yeux ; mais ce superflu grammatical ajoute une idée accessoire qui augmente l’énergie du sens et qui fait entendre qu’on ne parle pas sur le rapport d’un autre, et qu’on n’a pas vu la chose sans attention, mais avec réflexion.

3o Il arrive que les mots sont arrangés dans un ordre apposé à lordre naturel. C’est alors une figure de changement ou d’inversion, ce qui est la même chose, car inversion vient du mot latin invertire qui signifie changer.

Peutêtre ne seroit-il pas difficile de prouver que cet ordre qui s’écarte de lordre grammatical se rapproche d’autant de celui de la nature, en plaçant les mots dans l’ordre même des idées, d’où leur vient cette force que ne leur donneroit pas l’ordre grammatical qui est rarement celui des divers mouvemens de l’ame.

Exemple :

« Ils meurent donc, comme le reste des mortels |[140] les heros comblés de gloire, ces foudres de guerre qui ont fait trembler les peuples, au bruit de leurs exploîts ; ces arbitres des destinées humaines qui donnoient la paix aux nations ou la leur refusoient à leur gré. »

Qu’on essaye de retablir l’ordre naturel dans cette période et on verra disparoître aussitôt cette chaleur de style qui est due à la figure qu’on nomme inversion.

Le Grammairien froid et monotone s’exprimeroit ainsi : « Ces heros comblés de gloire, ces foudres de guerre, ces arbitres des destinées humaines meurent comme le reste des mortels. »

Cette manière de parler feroit sans doute comprendre ce qu’on veut dire, mais l’inversion le fait sentir. L’ordre naturel ou grammatical nous présente un cadavre sans couleur et sans vie. L’ordre figuré anime tout, échaufe tout. Il nous montre frappé du glaive de la mort, celui dont il se propose de nous détailler les grandeurs passagères pour nous donner d’avance la juste mesure de ses grandeurs passagères.

C’est ainsi que l’inversion en s’écartant de lordre des mots donne tant d’avantage et de superiorité à celui des idées.

|[141] C’est surtout dans les langues transpositives où les noms ont des cas qu’on peut employer au gré de tous les mouvemens divers des passions humaines, cette figure dont l’emploi est si difficile et par conséquent l’usage si rare dans les langues analogues. Rien ne sert à multiplier davantage les formes sous lesquelles l’esprit peut présenter les tableaux de ses conceptions.

Maintenant que nous connoissons l’objet essentiel de la syntaxe qui est la proposition ; que nous en avons analysé la matière et la forme, il nous sera plus facile d’étudier et de comprendre les règles de la syntaxe qui commande à chaque mot sa forme propre.

Mais auparavant. Il est à propos d’examiner les différens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Ce sera l’objet du Chapitre suivant.

 

|[142]

Chapitre III.

Des Tropes.

 

Les tropes sont des figures par lesquelles on fait prendre à un mot une signification qui n’est pas précisément la signification /propre/ de ce mot. Pour bien entendre ce que c’est qu’un trope, il est nécessaire de bien comprendre la différence qu’il y a entre le sens propre et le sens figuré.

Le sens propre d’un mot, c’est la signi[fi]cation première du mot. Un mot est pris dans le sens propre lorsqu’il signifie ce pourquoi il a été inventé. par exemple le feu brûle, la lumière nous éclaire. Tous ces mots-là sont employés /ici/ dans le sens propre.

Mais quand un mot est pris dans un autre sens, il paroît alors pour ainsi dire, sous une forme empruntée, sous une figure qui n’est pas sa figure naturelle, c.a.d. celle qu’il a eu d’abord par exemple Le feu de vos yeux, le feu de l’imagination, la lumière de l’esprit, la clarté du discours. Ici feu, lumière, clarté ont une signification différente de celle qui leur est propre.

Voiles dans le sens propre ne signifie point vaisseaux cependant voiles se prend quelquefois pour vaisseaux et on dit une flote de cent voiles pour dire de cent vaisseaux.

Voix signifie au propre le son qui sort de la bouche |[143] de l’homme ; il est pris dans un sens figuré dans les phrases suivantes : La voix du sang, la voix de la nature, il a en toutes les voix, briguer les voix, la pluralité des voix.

Toutes ces manières de parler sont des tropes on s’en sert sans cesse dans le discours et en écrivant souvent même sans faire attention qu’on les emploie.

Si on n’employoit que le sens propre[s] des mots, quelques riches que puissent être les langues, on manqueroit souvent d’expressions pour énoncer ses idées et faire connoître les sentimens.

Les tropes donnent plus d’énergie, de grâce, de noblesse de variété au discours. Ils en font le principal ornement. Ils sont surtout très-fréquens en poésie. On dit d’un homme qui marche avec trop lenteur qu’il va plus lentemen[t] qu’une tortue ; de celui qui marche avec célérité, qu’il va plus vîte que le vent ; d’un homme passioné, qu’il se laisse emporter au torrent de ses passions.

Les tropes doivent être clairs, faciles à entendre, se présenter naturellement à l’esprit et n’être employés qu’à propos. Molière, dans se[s] précieuses ridicules, nous fournit un grand nombre d’exemples de ces expressions recherchées et déplacées. Donnez des sièges est une expression simple qui seroit ridiculement remplacée si l’on disoit Voiturez-nous ici les commodités de la conversation. Il seroit aussi ridicule de dire, le conseiller des grâces, pour dire le miroir.

Nous allons entrer dans le détail de quelques tropes et nous parlerons seulement de ceux qui sont d’un usage plus fréquent.

 

|[144]

1o La métaphore.

 

La métaphore est une figure par laquelle on transporte pour ainsi dire la signification propre d’un nom à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison qui est dans l’esprit. Un mot pris dans un sens métaphorique perd sa signification propre et en prend une nouvelle qui ne se présente à l’esprit que par la comparaison que l’on fait entre le sens propre de ce mot et ce qu’on lui compare par exemple quand on dit que le mensonge se pare souvent des couleurs de la vérité. le mot couleurs en cette phrase n’a plus la signification propre et primitive : il ne signifie plus cette lumière modifiée qui nous fait voir les objets blancs ou rouges, ou jaunes &c. il signifie les dehors, les apparences ; et cela par comparaison entre le sens propre de couleurs et les dehors que prend un homme qui nous en impose sous la marque de la sincérité.

Les mots Lumière, lion, clef, rayons sont pris dans un sens métaphorique, dans les phrases suivantes : La lumière de l’esprit. C’est un lion, en parlant d’un homme en colère. La grammaire est la clef des sciences. un rayon de miel. On dit dans le sens propre s’enivrer de /quelque/ liqueur, dans le sens métaphorique, s’enivrer de plaisirs. La bonne fortune enivre les sots. Vue se dit au propre de la facult[é] de voir et on dit dans le sens figuré, avoir de grandes vues, perdre de vue une entreprise.

|[145] Quand les métaphores sont régulières, il n’est pas difficile de trouver le rapport de comparaison. Mais quand la comparaison n’est pas juste, alors la métaphore est irrégulière.

J’ai déjà remarqué que les langues n’ont pas autant de mots que nous avons d’idées ; cette disette de mots a donn[eé] lieu à plusieurs métaphores : nous disons par exemple : le cœur tendre, le cœur dur, un rayon de miel, les rayons d’une roue &c. L’imagination vient pour ainsi dire au secours de cette disette ; elle supplée par les images et les idées accessoires aux mots que la langue ne peut lui fournir et il arrive même que ces images et ces idées accessoires occupent l’esprit plus agréablement que si l’on se servoit de mots propres et qu’elles rendent le discours plus énergique. par ex. quand on dit d’un homme endormi qu’il est enseveli dans le someil, cette métaphore dit plus que si on disoit simplement qu’il dort.

Les métaphores sont défectueuses

1o quand elles sont tirées d’objets bas. par ex. on reproche à Tertulien d’avoir dit. « Le déluge universel fut la lessive du genre humain. »

2o Quand elles sont forcées et que la comparaison n’est pas assez sensible comme quand Théophile a dit la Charue écorche la plaine.

3o Lorsqu’on les prend dans des sujets apposés ou que les termes métaphoriques dont l’un est dit de l’autre, excitent |[146] des idées qui ne peuvent point être liées ; comme si on disoit d’un orateur, c’est un torrent qui s’alume, aulieu de dire c’est un torrent qui entraîne. ??

??

Il faut aussi observer que chaque langue a des métaphores particulières qui ne sont point en usage dans une autre langue et cela est si vrai que si vous changez les termes par les équivalen[s] même qui en approche[nt] le plus vous vous rendez ridicules.

Un étranger écrivant dès les premiers temps de son arrivée en france à son protecteur lui disoit « vous avez pour moi des boyaux de père », il vouloit dire des entrailles.

 

 

2o L’Allégorie.

 

L’allégorie a beaucoup de rapport avec la métaphore ; l’allégorie n’est même qu’une métaphore continuée.

L’allégorie est un discours qui est d’abord présenté sous un sens propre qui paroît toute autre chose que ce qu’on a dessein de faire entendre, et qui cependant ne sert que de comparaison pour donner l’intelligence d’un autre sens qu’on n’exprime point.

La métaphore joint le mot figuré à quelque terme propre, par ex. Le feu de vos yeux, yeux est au propre : aulieu que dans l’allégorie tous les mots ont d’abord un |[147] sens figuré c.a.d. que tous les mots d’une phrase ou d’un discours allégorique forment d’abord un sens littéral qui n’est pas celui qu’on a dessein de faire entendre. Les idées accessoires dévoilent ensuite facilement le véritable sens qu’on veut exciter dans l’esprit ; elles démasquent pour ainsi dire le sens littéral étroit, elles en font l’application.

Quand on a commencé une allégorie, on doit conserver dans la suite du discours l’image dont on a emprunté les premières expressions. Mde Deshoulières sous l’image d’une bergère qui parle à ses brebis, rend compte à ses enfans de tout ce qu’elle a fait pour leur procurer des établissemens et se plaint tendrement sous cette image de la duret[eé] de la fortune.

 

Dans ces prés fleuris
Quarrose la Seine,
Cherchez qui vous mène.
Mes chères brebis :
Jai fait pour vous rendre
Le Destin plus doux,
Ce qu’on peut attendre
D’une amitié tendre ;
Mais son long couroux
Détruit, empoisone
Tous mes soins pour vous,
|[148]
Mais il faut céder ;
Sans chien, sans houlette,
Puis-je vous garder ?
L’injuste fortune
Me les a ravis.
Envain j’importune
Le ciel par mes cris ;
Il rit de mes craintes,
Et sourd à mes plaintes,
Houlette, ni chien,
Il ne me rend rien.
Puissiez-vous contentes,
Et sans mon secours,
Passer d’heureux jours,
Brebis innocentes,
Brebis mes amours.
Que Pan vous défende,
Helas ! il le sait :
Je ne lui demande
que ce seul bienfait.
Oui, Brebis cheries,
Qu’avec tant de soins
J’ai toujours nourries,
Je prend à témoins
Ces bois, ces prairies,

Et vous abandonne
Aux fureurs des loups.
Seriez-vous leur proie,
Aimable troupeau !
Vous de ce hameau
L’honneur et la joie,
Vous qui gras et beau
Me donniez sans cesse,
Sur l’herbette épaisse
Un plaisir nouveau !
Que je vous regrète !

Que si les faveurs
Du dieu des Pasteurs
Vous gardent d’outrages
Et vous font avoir
Du matin au soir
De gras pâturages ;
J’en conserverai,
Tant que je vivrai
La douce mémoire ;
Et que mes chansons
En mille façons
Porteront sa gloire
Du rivage heureux
Où vif et pompeux
L’astre qui mesure
Les nuits et les jours,
Commençant son cours
Rend à la nature
Toute sa parure :
Jusqu’en ces climats
Où, sans doute, las
D’éclairer le monde ;
Il va chez Thétis,
Ralumer dans l’onde
Ses feux amortis.

 

|[149] Cette allégorie est toujours soutenue par des images qui toutes ont un rapport à l’image principale par où la figure a commencé : ce qui est essentiel à l’allégorie. Vous pouvez entendre à la lettre tout ce discours d’une bergère touchée de ne pouvoir mener ses brebis dans de bons pâturages, ni les préserver de ce qui peut leur nuire, leur adresseroit la parole et se plaindroit à elles de son impuissance : mais ce sens tout vrai qu’il paroît, n’est pas celui que Mde Deshoulières avoit dans l’esprit : Elle étoit occupée des besoins de ses enfans, voilà ses brebis ; le Chien dont elle parle, c’est son mari qu’elle avoit perdu ; le Dieu pan c’est Louis ?? XIV.

L’allégorie est fort en usage dans les proverbes. Les proverbes allégoriques ont d’abord un sens propre qui est vrai, mais qui n’est pas ce qu’on veut principalement faire entendre. On dit familierement Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se brise ; C.a.d que quand on affronte trop souvent les dangers, à la fin on y périt.

Les fictions que l’on débite, comme des histoires pour en tirer quelque moralité, sont des allégories qu’on appelle apologues, paraboles ou fables morales telles sont les fables d’Esope &c.

 

|[150]

3o l’Allusion.

 

Les allusions ont du rapport avec l’allégorie : comme elle, elles présente[nt] un sens et en font entendre un autre. On fait allusion à l’histoire, à la fable, aux costumes ; quelque/fois/ même on joue sur les mots.

Un courtisan avoit été longtemps favori de son prince et n’étant plus autant en crédit, il trouva sur les degrés, comme il descendoit de chez le prince son nouveau concurrent qui y montoit et qui lui demanda, si chez le prince il y avoit quelque chose de nouveau : Rien du tout, repondit-il Sinon que je descends et que vous montez. Le sens propre de descendre et de monter, marquoit la situation physique des deux acteurs. Le sens métaphorique désignoit leur situation morale à l’égard du prince.

 

 

4o L’hyperbole.

 

Lorsque nous sommes vivement frappés de quelque idée que nous voulons représenter, et que les termes ordinaires nous paroissent trop foibles pour exprimer ce que nous voulons dire, nous nous servons de mots, qui, à les prendre à la lettre vont au delà de la vérité par ex. Si nous voulons faire comprendre la légereté d’un |[151] cheval, nous disons qu’il va plus vîte que le vent. Cette figure s’appelle hyperbole d’un mot grec qui signifie excès.

Si on veut faire entendre qu’une personne marche avec une certaine lenteur, on dit qu’elle marche plus [plus] lentement qu’une tortue.

Virgile a dit de Camille qu’elle surpassoit les vents à la course et qu’elle eût courue sur des épis de blé sans les faire plier, ou sur les flots de la mer sans y enfoncer.

On lit dans la bible « Je vous don/n/erai une terre où coulent des ruisseaux de lait et de miel » c.a.d. une terre fertile.

 

 

5o L’ironie.

 

/L’ironie/ Est une figure par laquelle on veut faire entendre le contraire de ce qu’on dit.

Boileau a dit ironiquement de Quinault dans un temps où celui-ci n’avoit point encore composé les opéra qui ont fait sa réputation et qui n’étoit encore connu que par de mauvaises tragédies.

Sat. IX.

Toutefois, s’il le faut, je veux bien m’en dédire ;
Et pour calmer enfin tous ces flots d’ennemis,
|[152] Réparer en mes vers les maux qu’ils ont commis,
Puisque vous le voulez. Je vais changer de style :
Je le déclare donc, Quinault est un Virgile.

Il vouloit dire un mauvais poëte.

Les idées accessoires sont d’un grand usage dans l’ironie ; le ton de la voix et plus encore la connoissance du mérite ou du démérite personnel de quelqu’un, et de la façon de penser De celui qui parle, servent plus à faire connoître lironie que les paroles dont on se sert. Un homme s’écrie, oh ! le bel esprit, parle-t-il de Rousseau ou de Voltaire, de Ciceron ou d’Horace. Il n’y a point là d’ironie; les mots sont pris dans le sens propre. Parle-t-il d’un mauvais auteur ? c’est une ironie. Ainsi l’ironie fait une satire avec les mêmes paroles dont le discours ordinaire fait un éloge.

 

 

6o La Périphrase et la Paraphrase.

 

La périphrase ou circonlocution est un assemblage de mots qui expriment en plusieurs paroles ce qu’on auroit pu dire en moins, et souvent en un seul mot par ex : Le Vainqueur de Darius, aulieu de dire Alexandre. L’astre du jour pour dire le soleil.

On se sert de périphrases ou par bienséance, ou pour un plus grand éclaircissement, ou pour l’ornement du discours |[153] ou enfin par nécessité.

1o Par bienséance lorsqu’on a recours à la périphrase pour éviter les idées basses ou peu honêtes.

2o On se sert aussi de périphrase pour éclaircir ce qui est obscure. Les definition[s] sont autant de périphrases : comme si aulieu de dire les parques, on disoit : Les trois déesses infernales, qui selon la fable, filent la trame de nos jours.

Il arrive quelquefois qu’après avoir expliqué par une périphrase un mot obscur ou peu connu, on développe plus au long la pensée d’un auteur, en ajoutant des réflexions ou des circonstances qu’il auroit pu ajouter lui même, et alors ces explications plus amples et conformes au sens de l’auteur sont ce qu’on appelle des paraphrases. La paraphrase est donc une espèce de comentaire : on reprend le discours de celui qui a déjà parlé ; on l’explique, on l’étend davantage en suivant toujours son esprit.

3o On se sert de périphrases pour l’ornement du discours, et surtout en poésie. La périphrase poétique présente la pensée sous une forme plus gracieuse ou plus noble : c’est ainsi qu’aulieu de dire simplement à la pointe du jour, Les poëtes disent.

L’aurore cependant au visage vermeil,
Ouvroit dans l’orient le palais du soleil :
|[154] La nuit en d’autres lieux portoit ses voiles sombres,
Les songes voltigeans fuyoient avec les ombres.

Mde Dacier commence le XVIIe Livre de lOdyssée d’Homère par ce vers :

Dès que la belle aurore eut annoncé le jour.

Et ailleurs elle dit. « La brillante aurore sortoit à peine du sein de l’Ocean, pour annoncer aux dieux et aux hommes le retour du soleil. »

Pour dire que le jour finit, qu’il est tard, Virgile a dit : « On voit déjà fumer de loin les cheminées ; déjà les ombres s’alongent et semble tomber des montagnes. »

Et jam summa procul &c. 

Boileau a dit par imitation :

Les ombres cependant sur la ville épandus
Du faîte des maisons descendent dans les rues.

4o On se sert de périphrase par nécessité quand il s’agit de traduire et que la langue du traducteur n’a point dexpression propre que réponde à la langue originale.

 

|[155]

7o autres tropes.

 

Outre les tropes dont nous avons parlé ci-dessus, les grammairiens en distinguent un grand nombre d’autres tels que la catachrèse, la métonymie, la synecdoque &c. que je crois inutile de rapporter ici. En voici des exemples et je pense qu’il vous suffira de reconnoître que les mots sont pris dans un sens détourné sans nous occuper du nom /qu’on donne à ces figures./

 

  Catachrèse
extension.

Une feuille de papier, une feuille de carton, les feuilles d’un paravent. Le mot feuille au propre, n’appartient qu’aux arbres et aux plantes.

Id…

Glace dans un sens propre, c’est de l’eau gelée. On dit figurément une glace de miroir, une glace de carosse.

Changement
de nom
métonymie
la cause pour
leffet

L’amour languit sans Bacchuset Cérès. Bacchus et Cérès sont mis dans ce vers pour le Vin et le pain.

Id.

Il a lu Ciceron, Horace, Virgile c.a.d. les ouvrages de Ciceron d’Horace &c. Dans cet exemple le nom de l’auteur est mis pour ses ouvrages.

Id.

Plume se prend quelquefois pour l’auteur même. C’est une bonne plume c.a.d. un homme qui écrit bien.

|[156]

Le contenant pour le con­tenu.

Id.

Id.

Id.

Il aime la bouteille c.a.d. il aime le vin.

La terre se tut devant Alexandre c.a.d. les peuples de la terre.

Rome désaprouva la conduite d’Appins, c.a.d. les Romains.

Nom de lieu pour la chose

 

Idem

Damas, est le nom d’une sorte d’etofe fabriquée originairement dans la ville de Damas. On l’a imitée à Venise, à Gênes, à Lyon ; et on dit figurément, c’est un damas de Venise, de Gênes, de Lyon.

Le signe pour la chose signifi[eé]e

 

Id.

A la fin, j’ai quitt[eé] la robe pour lépée.

Robe se prend ici pour la magistrature et l’épée pour la profession militaire.

Les parties du corps pour les sentimens mêmes

 

Id.

 

Id.

Il a du cœur c.a.d. du courage.

La cervelle se prend pour l’esprit, le jugement ; ô la belle tête, sécrie le renard, quel[le] domage, elle na point de cervelle.

La langue se prend pour la parole. C’est une méchante langue, c.a.d. un médisant.

Compréhension
synecdoque.

méta­lepse

Il a été, il a vécu pour dire il est mort.

La partie pour le tout

 

Il y a cent mille ames ?? dans cette ville pour dire cent milles habitans.

Il y a cent feux dans ce village, pour dire cent familles.

|[157]

antonomase

un nom propre
pour un n. commun
vice versa

 

C’est un Sardanapale c.a.d. un voluptueux, c’est un Caton pour dire un homme sage, un Néron pour dire un barbare.

Litote
ou
diminution

Il n’est pas un sot pour dire il a plus desprit que vous ne croyez.

Il n’est pas poltron pour dire Il a du courage.

Toutes ces manières de s’énoncer sont des tropes parce que dans tous ces exemples les mots changent leur signification primitive. Je ne m’étendrai pas davantage sur cette matière parce que vous pouvez étudier avec succès le traité des tropes par Dumarsais.

 

|[158]

Chapitre IV.

De la Convenance et de la Dépendance[s] des mots.

 

Dans les Chapitres précédens, nous avons examiné la proposition sous tous ses rapports logiques. Nous l’avons considérée dans sa plus grande simplicité, ne renfermant qu’un simple sujet et un attribut. Nous avons multiplié les sujets et les attributs, ce qui nous a donné des proposition[s] de plusieurs sortes. Nous avons fait quelques observations sur la forme de la proposition, ce qui nous a fourni l’occasion de parler en passant de la syntaxe naturelle et de la syntaxe figurée.

Il nous reste à chercher ici la raison grammaticale des diverses formes des mots, ou, ce qui est la même chose leur valeur relative. Si nous n’avions à parler que de la langue française, et de sa syntaxe, nous n’aurions presque plus rien à dire ; car il n’y a rien dans ses propositions que des règles de construction. C’est presque toujours la place des mots dans la phrase qui détermine leur rôle ; aulieu que dans les langues anciennes, c’étoit la terminaison qui indiquoit cette valeur. Les rè[gles] |[159] de la construction étant donc dans les langues modernes presque les seules règles de syntaxe, assigner ces règles de construction, seroit donc présenter un traité complet de syntaxe. Mais ce traité doit convenir à toutes les langues, en général : Nous devons donc rechercher les règles générales du langage sans nous restreindre à aucun idiôme particulier.

Nous avons remarqué dans toute proposition un sujet duquel on affirme une qualité quelconque ; nous avons observé que toutes les fois que cette qualité est active, il y a nécessairement dans la proposition un objet sur lequel se porte l’action de cette qualité. Il y a encore la manière dont elle s’y porte, le lieu, le temps où se passe l’action, autant de circonstances qu’il faut énoncer.

Le sujet pour lequel tout est énoncé dans la phrase ne doit pas être confondu avec l’objet sur lequel il agit. La qualité qu’on énonce comme appartenant au sujet doit être distinguée et du sujet et de l’objet.

Le mot qui sert à lier le sujet et la qualité, et par conséquent le mot affirmatif ?? est encore en rapport avec les mots qu’il lie.

Le mot qui indique un rapport doit aussi avoir |[160] quelque influence sur celui dont il assigne le rapport.

C’est ici que la syntaxe vient exercer tout son empire. C’est le moment de découvrir le motif des formes variées que prennent dans les langues anciennes les mots qui composent une proposition et de la place qu’ils occupent dans les langues où leur forme est toujours la même.

Le mot qui sert à énoncer le sujet d’une proposition est-il un nom ? ce mot est tout entier, tel qu’on l’inventa quand on voulut distinguer cet objet que le nom désigne, de tous les autres objets connus dans la nature, et qui sont d’espèce diverse. On le plaça à la tête de tous les autres dans la proposition dans les langues modernes : et comme ce nom dans les langues anciennes changea de forme, quand aulieu d’être sujet, il devint objet d’action, il fut indifférent de le placer au commencement ou à la fin, ou même au milieu de la proposition sa terminaison ne laissant aucun doute sur son rôle.

Dans les langues modernes, on plaça immédiatement après l’action exprimée par le verbe, l’objet qui recevoit cette action ; et dans les langues transpositives on donna une terminaison particulière à ce /même/ nom et sa place devint encore indifférente.

|[161] Enfin dans toutes les langues, les mots ne pouvant être plus isolés dans la phrase que les idées ne le sont dans l’esprit et ayant entre eux une convenance commune ou une dépendance les uns des autres, nous aurons tout dit sur la syntaxe, quand nous aurons tout dit sur la convenance et la dépendance des mots.

 

 

Io De la Convenance des mots.

 

Il y a dans toute proposition des mots si essentiels, si nécessaires que sans eux ou même si un seul d’entr’eux manquoit, il ne pourroit y avoir de jugement ou de proposition. Tels sont le sujet exprimé par le nom ; la qualité ou l’attribut exprimé par le modificatif ou adjectif et le verbe. L’objet d’action est encore essentiel quand le verbe est actif car il y auroit une action énoncée, et cette action ne porteroit sur rien.

Il doit donc y avoir convenance dans ces mots essentiels. Ils ne peuvent être liés entre eux sans s’imposer mutuellement des lois. Le sujet commande au modificatif et même au verbe. Il commande encore au déterminatif ou article.

Il y a donc convenance entre l’article, le nom, le verbe, et la qualification.

La première convenance ou le premier accord est |[162] la convenance du nombre. Le qualificatif, le verbe et l’article ne peuvent être du nombre pluriel, quand le sujet est du nombre singulier, comme aussi l’article. Le verbe, et le qualificatif prennent la forme du pluriel, quand le nom du sujet prend cette forme.

Exemple pour le nombre singulier :

« La nature à nos yeux étale ses merveilles. »

Exemple pour le nombre pluriel :

« O Toi, de mon repos, compagne aimable et sombre à de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre. »

Dans le premier exemple l’article, le nom et le Verbe sont au singulier. La nature étale.

Dans le second exemple c’est le nom et le qualificatif complément de la préposition à, qui sont au pluriel.

Il y a encore entre l’adjectif, larticle et le nom une convenance de plus, la convenance des genres et dans les langues transpositives comme la grecque et la latine la convenance des cas ou de la terminaison.

Exemple :

« Sur un coursier fougeux [sic] plus leger que le vent. »

Il y a aussi /les mêmes/ convenances entre le pronom et le verbe puisque le pronom rappelle le sujet que le nom a indiqué.

|[163] Quand il y a deux sujets dans une proposition et un seul qualificatif pour les deux, que les deux sujets sont de diverses genres, le qualificatif prend la forme du masculin, comme dans cet exemple :

« Mon frère et ma sœur sont bons et généreux. »

On voit aussi dans cet exemple que le verbe prend la forme pluriele ainsi que les qualificatifs quoiqu’aucun des sujets ne soit au pluriel ; c’est que le pluriel seul renferme deux singuliers.

Le verbe prend aussi la terminaison de la 1ère personne au pluriel quand son sujet est double et que l’un d’eux est de la 1ère personne ; il en est des personnes comme des genres ; la 1ère personne a de la part du verbe la préférence sur la 2de, comme le genre masculin a la préférence sur le genre feminin par rapport aux qualificatif[s].

Nota. La langue française a des règles ou plutôt des exceptions qui lui sont propres pour les diverses convenances que nous venons traiter. Voyez Wailly pour ces exceptions.

 

|[164]

2o De la Dépendance des mots.

 

Il y a dans une proposition des mots essentiels et des mots accessoires, des mots nécessaires et des mots utiles. Ceux de la 1ère espèce ne dépendent pas les uns des autres. Mais ceux de la 2de dépendent de ceux de la 1ère.

Le premier de tous, celui sur lequel se portent tous les regards, est celui qui fait l’action dont il s’agit, ou duquel on affirme une qualité quelconque : c’est le nom.

Le qualificatif exprimant une qualité, et cette qualité étant plus ou moins générale, plus ou moins circonscrite demandera lui même à être déterminé. Sans lui on ne parleroit pas d’un sujet et le nom deviendroit inutile.

Le verbe exprimant l’existence de combien de circonstances ne peut-il pas être entouré ? Il demande aussi des mots particuliers qui viennent énoncer ces circonstances.

Toutes les langues ont des formes particulières pour lier au nom ce qui dépend de lui. La grecque et la latine ont des terminaisons ou cas ; Les langues modernes ont des prépositions qui remplissent les fonctions de ces cas. La préposition de pour le français, di ou del pour |[165] l’italien, of, pour l’anglais, des, pour l’allemand.

Ainsi les latins pour dire : la beauté du ciel, n’avoient que deux mots à dire : pulchritudo cœli. L’article et le nom ne faisoient qu’un, et la préposition de ou le mot éliptique du se trouvoient dans la terminaison même du mot suivant.

Cette préposition et autres mots semblables lient au sujet des mots accessoires qui ne sont dans la proposition que pour former le cortège du nom. Ils sont donc en dépendance avec le nom.

C’est surtout le verbe qui exige de ces mots accessoires. Il renferme ordinairement une action, et cette action a un objet, un but, une manière d’être faite, autant de circonstances pour l’expression desquelles des mots viennent se placer dans le domaine du verbe, comme étant également de sa dépendance. Voici un exemple du rapprochement des circonstances qui environnent le verbe, tiré d’une fable de Lafontaine.

Le mulet d’un seigneur se piquoit de noblesse
Et ne parloit incessamment
Que de sa mère la jument,
Dont il contois mainte prouesse.
|[166] Elle avoit fait ceci, puis avoit été là.
Son fils prétendoit pour cela
Qu’on le dut mettre dans l’histoire.
Il eut crû s’abaisser, servant un médecin.
Etant devenu vieux, on le mit au moulin
Son père l’âne alors lui revint en mémoire
Quand le malheur ne seroit bon
Quà mettre un sot à la raison ;
Toujours seroit-ce à juste cause
Qu’on le dit bon à quelque chose.

On trouveroit peu de morceau où il y eut plus de ces circonstances qui accompagnent le verbe. Chacun des vers de cette fable en renferme quelqu’une. Elles répandent toutes sur ce morceau une richesse d’idées et d’expressions qui en font un modèle de récit.

« Le mulet d’un seigneur »

D’un seigneur marque une dépendance du sujet principal.

« se piquoit »

Se, objet d’action du verbe piquer qui a ici |[167] une signification réfléchie, ou pour nous servir des mots dont nous avons déjà fixé l’acception, une action intransitive, puisqu’elle ne passe pas hors du sujet agissant.

De noblesse, circonstance de manière.

Et ne parloit incessamment, circonstance de temps.

Elle avoit fait ceci, puis avoit été là, circonstance de bien.

Son fils prétendoit pour cela, circonstance de moyen.

Etant devenu vieux, manière d’être ou circonstance d’état.

Son père l’âne alors circonstance de temps.

« Quand le malheur ne seroit bon
Quà mettre un sot à la raison. »

A la raison. Terminatif ou circonstance de but, ainsi que cette autre circonstance, Qu’on le dit bon à quelque chose.

Le qualificatif a aussi ses mots accessoires qui marchent à sa suite et qui tous également expriment |[168] des circonstances. Une autre fable de Lafontaine nous en fournit l’exemple. On y trouve un grand nombre de ces circonstances heureuses qui enrichissent le domaine du qualificatif.

Fable.

Mortellement atteint d’une flèche empennée,
Un oiseau déploroit sa triste destinée ;
Et disoit en souffrant un surcroît de douleur,
Faut-il contribuer à son propre malheur ?
   Cruels humains vous tirez de nos aîles
De quoi faire voler ces machines mortelles :
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre
Des enfans de Japet toujours une moitié
   Fournira des armes à l’autre.

[Note en marge :] /Promethée fils de Japet./

Mortellement atteint. Ici le mot mortellement détermine le modificatif atteint. Cette oiseau n’est pas seulement atteint, frappé, blessé par une flèche, il l’est encore jusqu’à être prêt d’en mourir. Circonstance importante qui rend son sort plus touchant, ce qui donne un caractère bien plus intéressant à cet adjectif.

|[169] C’est parce qu’il se voit prêt de mourir et par conséquent, c’est relativement à la manière dont la flèche l’avoit atteint que :

L’oiseau déploroit sa triste destinée.

Comme ce vers est riche ! comme tous les mots en sont justes.

« Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié. »

Cet oiseau le savoit bien que la mort de ses pareils n’est qu’un jeu pour l’homme ; ainsi au moment où toute verité se dit sans ménagement et sans foiblesse, il apostrophe ainsi l’espèce humaine.

« Engeance sans pitié. » C’est ici un modificatif modifie.

« Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre. »

Il semble que dans cette proposition, il n’y a point d’adjectif ou modificatif ; mais vous ne devez pas vous y méprendre : partout où sont des mots abstraits ; Tels que sort, et autres de cette espèce, il y a des élipses comme si on disoit dans ce cas-ci.

« Souvent il vous arrive une manière d’être qu’on appelle sort et cette manière d’être est comme la nôtre. »

|[170] On retrouve dans cette fable toutes les dépendances dont nous avons parlé. Il est bien rare qu’il en soit autrement. Tous les genres d’idées sont par rapport au tableau de la pensée ce que sont aux tableaux peints sur toille toutes les sortes de couleurs.

Les Elémens qui composent la proposition sont donc liés entre eux pour ne former aux yeux qui les considèrent qu’une sorte de famille où l’on retrouve comme point central le père et la mère auxquels se rapportent et les enfans qui en sont nés et les serviteurs qui en exécutent les volontés. Ils peuvent être encore comparés à plusieurs figures d’un seul tableau qui se rapportant à une figure principale ne rompent point cette unité si précieuse sans laquelle les arts imitateurs ne pourroient être en harmonie avec la nature.

Nous avons dit dans son temps que tout l’art des langues consistoit à donner en quelque sorte de la visibilité à la pensée. Nous avons fait voir que dans l’esprit qui conçoit, la pensée est indivisible. Combien ne doit-il donc pas regner de liaison dans les élémens qui servent à lexprimer, puisqu’il est vrai que plusieurs |[171] élémens sont nécessaires à cette communication extérieure ! Il ne paroîtra donc pas étonant que pour imiter cette simplicité, cette unité, tous les mots soient contraints de recevoir des formes qui comme autant de nuances, servent à les unir de manière à ne faire de tous qu’un seul tout, en quelque sorte indivisible comme la pensée elle même.

C’est la syntaxe que nous avons réduite à des principes de concordance et de dépendance qui opère cette union si merveilleuse. Mais tout est-il dit quand ces principes sont connus ? et sous prétexte que tous les mots ont reçu de la syntaxe les formes que leur assignent leurs rôles différens, n’y a-t-il pas encore des règles pour les arranger dans le câdre de la phrase ?

Oui, sans doute, et c’est ici la dernière partie de la syntaxe : car la construction n’est pas moins essentielle à la clarté de la proposition que le sont les formes qui entrent dans la composition.

 

|[172]

3o De la Construction.

 

La Construction qui n’est pas la Syntaxe, comme nous l’avons dit plus d’une fois est larrangement des mots dans le discours. C’est donc une sorte de Combinaison non seulement des mots qui constituent la proposition, mais encore des phrases simples qui ?? servent à former la période. C’est ici véritablement que la parole est un art, et qu’on distingue ceux qui ne parlent que parce qu’ils ont entendu parler de ceux qui ont étudié leur langue et qui en connoissent le génie. Il n’y a de netteté dans le discours, qu’autant qu’on observe rigoureusement les règles de la construction. Il est donc essentiel de bien apprendre ces règles.

Nous l’avons déjà dit ; mais il faut encore le répéter. Toutes les idées qui servent à former le tableau de la pensée ne sont que des portions de cette pensée qui ne souffre de division hors de l’esprit que par l’impuissance où l’on est d’inventer un seul mot simple comme elle, et qui, en même temps, puisse la montrer à ceux qui ne l’ont pas conçue sous tous les rapports sous lesquels la considère celui qui entreprend de la communiquer. |[173] Il faudroit que l’expression de la pensée fut donc formée d’un seul jet, comme la pensée elle même, et c’est ce qui est impossible.

Mais y a-t-il une construction tellement naturelle qu’on puisse en assigner des règles fixes et applicables à toutes les langues ?

Les hommes étant à peu près les mêmes partout ils sont dans tous les pays à peu près affecté[s] de la même manière quand on suppose l’action ou même la présence des mêmes objets. Or les idées doivent donc se présenter toujours dans l’ordre des sentimens dont les hommes sont affectés. Cet ordre si on veut peindre les idées comme elles /se/ sont classées d’elles mêmes dans l’ame, sera donc dans la construction ce qu’il est dans l’esprit. La phrase sera le miroir fidèle de ce qui se passe dans l’intelligence ; elle sera la copie exacte du tableau original qu’elle rend visible. Telle sera dans tous les pays, dans toutes les langues la construction de la période sous peine de violer perpétuellement les lois de la nature, source des principes et des lois de la Grammaire commune à toutes les nations. |[174] Il n’y auroit donc qu’une sorte de construction ; mais les mots des diverses langues ne se prêtent pas également à cet arrangement uniforme, commandé par la nature des sentimens de l’ame. On n’a pas la liberté de placer dans le câdre de la phrase, à la place qu’indiqueroit le degré d’intérêt qu’ils inspirent les divers élémens de la proposition. Par exemple il faudroit que le nom eut une terminaison différente, quand il désigne le sujet, ou quand il indique l’objet. Or il n’y a point de terminaisons différentes dans le même nom, dans les langues modernes ; ainsi cette transposition arbitraire ne peut avoir lieu. La construction dans ces langues-ci ne peut y être analogue à lordre des idées et au degré d’intérêt qu’elles ont dans l’esprit. Il y aura donc des règles de construction particulières aux langues modernes, puisque ces langues n’ont point de cas ; et des règles différentes appropriées aux déclinaisons des noms des langues anciennes.

Il y aura aussi des règles de construction pour L’ordre des mots considérés d’une manière grammaticale et des règles de construction pour les propositions qu’on ne peut considérer que d’une manière logique.

|[175] La 1ère espèce de construction ne peut être la même dans les langues analogues et dans les langues transpositives. Dans les langues transpositives où l’avantag[e] des cas facilite le moyen de placer les mots sans que leur place puisse jamais influer sur le rôle qu’ils jouent dans la proposition, la construction est ordinairement assujétie à l’ordre même que les idées ont dans l’esprit. Dans les langues analogues où les mots manquent de cette physionomie que leur donne leur terminaison et où la place indique le rôle de chacun, la construction suit à peu près l’ordre grammatical. Ainsi dans ces langues, il n’y a qu’une manière d’énoncer l’action suivante : Alexandre vainquit Darius. Si vous changez les mots de place et si vous dites : Darius vainquit Alexandre, vous exprimez toute autre chose, parce qu’en français c’est la place des mots qui vous annonce quel est le sujet ou faisant l’action et quel est l’objet ou recevant l’action. Il y a ensuite dans cette langue à l’égard des autres élémens de la phrase des règles de construction déterminées par l’usage et qui |[176] varient à l’infini sans qu’on puisse en donner aucune raison métaphysique. Il y a des adjectifs qui placés avant le substantif expriment une toute autre idée. Les langues grecques et latines ne connoissoient pas ces étranges bizareries.

Les Grammairiens modernes ont fait de grands traités sur la construction ; chacun a adopté un systême particulier et l’a défendu avec toutes les armes de la dialectique. Chacun a examiné laquelle des deux construction[s] étoit la plus naturelle ; et il paroît que la raison est pour ceux qui ont préféré la construction des langues anciennes. pour nous qui n’avons pas le temps de donner à cette matière d’aussi grands développeme[ns] nous nous contenterons de dire que la règle en fait de construction, c’est d’arranger les mots selon l’usage de la langue ; que la construction est vicieuse quand elle blesse cet usage ; et que de ce désordre naissent les amphibologies, l’obscurité dans le discours et ces formes étranges qui choquent l’oreille et la raison.

Nous ne parlerons pas de la construction que nous avons nommée logique, qui consiste dans l’arrange/ment/ des Propositions dans le câdre de la période. Cette |[177] construction étant plus oratoire que Grammaticale appartient plus à l’art d’écrire qu’à un traité de grammaire générale.

Nous ne pouvons terminer ce cours sans ajouter aux règles générales sur la construction quelques observat[ions] sur la construction qu’on nomme figurée, d’autant que cette construction étant de toutes les langues doit faire partie de notre travail.

Qu’est-ce nous dira-t-on qu’une construction figurée[ ?] Pour répondre à cette question qu’il doit y avoir dans toutes les langues une construction ordinaire et commune fondée sur des principes communs ; qu’il y a pour toutes une grammaire générale, des principes égalemen[t] applicables à chacune. Comme ces principes généraux sont puisés dans la nature, la construction qui en résulte s’appellera construction naturelle ; mais il pourra y avoir quelquefois des exceptions à ces principes et par conséquent à cette construction. La construction cessera dans ce cas dêtre naturelle. C’est dans ces occasions et dans l’usage de ces exceptions qu’on voit la construction des mots suivre aussi parfaitement qu’il est possible les divers mouvemens |[178] de notre esprit, en représenter, en figurer la vivacité, les élans prompts et rapides, retrancher des mots pour précipiter la pensée impatiente de sortir de l’entendement qui l’a conçue, ou ajouter quelques expressions qu’une froide raison trouveroit superflue[s] ; mais dont ne peut se passer une imagination vivement affectée.

C’est l’élipse dans le 1er cas et le pléonasme dans le second.

L’élipse, elle est partout dans le langage : Eh ! qui pourroit la méconnoître ! tout le monde l’emploie. Nous en avons déjà parlé à l’art. des deux syntaxes.

Quant au pléonasme, c’est le contraire de l’élipse. Il est trop facile d’en abuser pour qu’on puisse se dispenser d’en avertir. C’est encore ici qu[e] l’usage commande et qu’il réprouve et qu’il faut respecter ses lois impérieuses.

Ici finit notre cours de Grammaire. Ceux qui l’auront suivi avec attention, pourront à l’aide des principes généraux que nous avons exposés apprendre leur propre langue et se rendre compte de tous les élémens qui entre[nt] dans la formation du discours, |[179] étudier les langues étrangères ; car tous ce que nous avons expliqué peut s’appliquer à toutes. Il ne manque plus à celui qui voudroit bien connoître toutes les richesses et le génie de la sienne que de la comparer avec quelqu’autre ; et en se demandant compte des raisons particulières des exceptions de chacune de découvrir de soi même et sans aucun secours les principes particuliers d’un idiôme particulier.

 

fin

 

 

Harmonisations

Les phrases, les titres, les sous-titres de sections, chapitres et paragraphessont sont suivis d’un point.

Les numéros de page en chiffres romains (I, II, III...) > chiffres arabes (1, 2, 3...).

Dans les cas d’inversion de la forme verbe sujet > verbe-sujet.

 

1.er > 1er

1ere > 1ère

1.ère > 1ère

1.o, 2.o… > 1o, 2o

2.e, 3.e... > 2e, 3e...

§ 1., § 2., … / §. 1., §. 2, … / §. 1., §. 2., … > § 1, § 2, …

a (prép.) > à

à (3. sg. prés. de « avoir ») > a

accents > accens

Anglois > Anglais

anterieur > antérieur

appèle, appele > appelle

appelloit, appellons > appeloit, appelons

au de là > au delà

aujourdhui > aujourd’hui

aussitôt, aussi-tôt > aussitôt

avait > avoit

ayions > ayons

caractere > caractère

ce/ces … là > ce/ces …-là

celle ci > celle-ci

cest/cétoit > c’est/c’étoit

chevre > chèvre

complement > complément

comprehension > compréhension

concue < conçue

connoitre > connoître

considerer > considérer

convenence > convenance

dabord > d’abord

declinaisons > déclinaisons

decomposer > décomposer

dégré, dégrès > degré, degrés

déhors > dehors

déja > déjà

demonstratif > démonstratif

demonterez > démonterez

denomination > dénomination

dependent > dépendent

dept, dept., dépt < dépt.

désire, désiriez > desire, desiriez

desordre > désordre

des que > dès que

determinatif, determiné(e), determiner > déterminatif, déterminé(e), déterminer

developpa, developper, developpement > développa, développer, développement

dévelope, dévelopement > développe, développement

difference, differente(s) > différence, différente(s)

different (3. pers. pl. passé simple de « différer ») > diffèrent

donnait > donnoit

du, dûe (part. passé de « devoir ») > dû, due

ecrit > écrit

élemens, Elemens > élémens, Elémens

elle-même > elle même

éllipse > élipse

elliptique > éliptique

energie > énergie

enfants > enfans

en general > en général

espece(s) > espèce(s)

essentieles > essentielles

etant > étant

etat > état

&. > &c.

etend > étend

etre > être

exces > excès

Exemple(s) / Exemple(s). > Exemple(s) :

explicasion > explication

exterieure > extérieure

evenement > évenement

fecond > fécond

fesant, fesoit, fesons > faisant, faisoit, faisons

flêches > flèches

francaise > française

gallerie > galerie

genérales > générales

genie > génie

(in)complèxe, incomplèxes > (in)complexe, incomplexes

indiféremment, indiférence, indiférent/s > indifféremment, indifférence, indifférent/s

inquietude > inquiétude

interessant, interressant > intéressant

jai, javais, javois, jaurai, jeus > j’ai, j’avais, j’avois, j’aurai, j’eus

l’a (pron. pers. f. sing.) > la

la (adv.) > là

la (pron. + 3. sg. prés. de « avoir ») > l’a

lecon > leçon

lesprit > l’esprit

l’orsque > lorsque

manière(s) dêtre > manière(s) d’être

memes > mêmes

merite, meritoient > mérite, méritoient

metonymie > métonymie

mot lien > mot-lien

neant > néant

necessaire, necessairement, necessité > nécessaire, nécessairement, nécessité

ou (pronom relatif) > où

parceque > parce que

parconséquent > par conséquent

paroit > paroît

particulierement, particuliere(s) > particulièrement, particulière(s)

periode > période

persone, personel > personne, personnel

précisement > précisément

preposition > préposition

qualites > qualités

qu’elle (adj. interr.) > quelle

quelle, quelles, quil, quils (que + elle, elles, il, ils) > qu’elle, qu’elles, qu’il, qu’ils

quelque fois > quelquefois

quest-ce que / quest ce que > qu’est-ce que

raisonable, raisonement > raisonnable, raisonnement

(r)appele > (r)appelle

recoit, recoivent > reçoit, reçoivent

reduire à, reduit à > réduire à, réduit à

reflexion, refléxion, réfléxions > réflexion, réflexions

regles > règles

repand > répand

répetitions > répétitions

roles > rôles

s’éleve > s’élève

separement, separémant > séparément

sexe > sèxe

sinecdoque > synecdoque

singulieres > singulières

sourd muet > sourd-muet

sous entendu, sous entente > sousentendu, sousentente

supplée (participe passé de suppléer) > suppléé

suppleer > suppléer

theorie > théorie

tres > très

troisieme > troisième

trouverent > trouvèrent

Virgille > Virgile

voila > voilà

volonte > volonté

 

Document conservé au Centre historique des Archives nationales, Paris,

Cote : F17/1344/3.