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Lavondez

 


MANUEL

DE GRAMMAIRE-GÉNÉRALE

PARTIE

IDÉOLOGIQUE

 

Manuel

Des élèves du Cours

de Grammaire-Générale

Par Demandes et par Réponses.

 

Section Logique

 

avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Boileau

 

[Une autre version manuscrite du « Manuel » est précédée de la citation suivante :

avant..... que d’écrire apprenez à parler.
Boileau]

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

/Extrait du 5e cahier de la Iere partie./

1

Première Leçon.

5

Deuxième Leçon.

13

Troisième Leçon.

20

Quatrième Leçon.

27

Cinquième Leçon.

36

Sixième Leçon.

42

Septième Leçon.

53

Huitième Leçon.

61

Neuvième Leçon.

67

Dixième Leçon.

75

Récapitulation de cette Neuvième Leçon.

84

 

 

1

/Extrait du 5e cahier de la Iere partie./

La Science Grammaticale, ou la connaissance approfondie de l’art de la parole, est essentiellem.t liée à tous les objets de notre intelligence ; mais surtout à la métaphysique, qui est la science des idées, et à la logique, qui est l’art de conduire son esprit dans la recherche de la vérité ; et il est à remarquer que dans la langue Grèque la plus philosophique et la plus parfaite que les hommes aient jamais parlée, le même |[2] mot, λογος, signifiait à la fois, discours, raisonnement et même l’art de raisonner la logique. Aussi vous ai-je fait sentir, cette liaison intime et nécessaire, dans plusieurs des sciences du cours de la grammaire-générale. Il serait bien étrange, en effet, que les instrumens, les matériaux même de nos connaissances, et de nos raisonnemens, nous eussent parû mériter aucune considération.

Il faut donc commencer par apprendre à former notre discours dans l’esprit, avant que de le communiquer à l’extérieur par la parole. La Logique, la métaphysique nous apprennent cet art important et nécessaire. Un fait remarquable dans l’histoire des Sciences et de la philosophie parmi nous, c’est que les trois plus habiles Grammairiens, que nous ayons eû, Arnauld, Dumarsais, et Condillac, ont donné successivement les trois meilleurs traités de logique.

Vous avez pû vous appercevoir que je travaille, pendant la durée de mon cours de Grammaire philosophique, à vous présenter l’art de raisonner et l’art de penser, de la manière la moins sêche et la moins rébutante ; et que j’ai dépouillé la logique de tout cequi était de pure spéculation. |[3] Je me propose dans cet abrégé ou compendium un résumé très-simple de la doctrine qui est contenûe dans la première partie du cours, et qui vous servira de manuel pour vous renouveller la mémoire des leçons que vous avez reçûes dans nos diverses séances.

J’ai choisi la forme de dialogue, comme plus propre que toute autre pour soulager la mémoire de tous ceux qui veulent s’appliquer à une étude aussi importante.

Je ne répète point ici, ceque je n’ai cessé de vous enseigner, que rien n’est plus utile que la justesse d’esprits, et que rien en même tems n’est plus rare. Le monde est plein d’esprit faux qui n’ont presque aucun discernement de la vérité, parcequ’ils manquent de logique. La plus part des erreurs des hommes ne consistent pas à se laisser tromper par de mauvaises conséquences ; mais à porter de faux jugemens dont on tire de mauvaises conséquences. La précipitation de l’esprit, le défaut d’attention, la vanité, la présomption, sont les principales sources |[4] des faux jugemens, contre lesquels les réfléxions qu’on trouve dans le cours de logique sont des remèdes éfficaces.

Comme l’esprit peut facilement s’égarer, en se laissant abuser par de fausses lueurs, il est nécessaire d’avoir des règles, pour le mettre à l’abri de l’illusion. Ce sont ces règles, auxquelles on a donné le nom de Logique. La logique n’est autre chose que l’art de juger sainement, et de raisonner exactement.

 

|[5]

Première Leçon.

 

1.

D.

Quel doit-être le premier fondement du cours de la Grammaire-générale ?

 

R.

L’on doit regarder l’art de penser comme la première partie de la grammaire-générale. Pour découvrir les principes du langage, il faut observer comment nous pensons ; il faut chercher ces principes dans l’analyse même de la pensée.

Or la logique, par le secours de l’abstraction, vient à bout d’analyser, en quelque sorte, la pensée, toute indivisible qu’elle est, en considérant séparément les idées différentes qui en sont l’objet, et la rélation que l’esprit apperçoit entre elles. C’est cette analyse qui est l’objet immédiat de la parole, et c’est pour cela que l’art d’analyser la pensée est le premier fondement de l’art de parler, ou, en d’autres termes, qu’une saine logique est le fondement de la Grammaire.

De là il s’ensuit que la Logique, |[6] qui traite de l’art de penser, et qui nous enseigne cet ordre naturel qu’il faut garder dans l’arrangement de nos pensées, est le fondement de la science grammaticale, et doit être le premier objet de nos études et de nos recherches.

2.

D.

Qu’est-ce que la logique ?

 

R.

La logique est l’art de penser juste, ou de faire un usage convénable de nos facultés rationelles, en définissant, divisant, et en raisonnant. Ce mot est dérivé du grec logos, sermo en latin, et discours en français ; parceque la pensée n’est autre chose qu’une espèce de discours intérieur et mental, dans lequel l’esprit converse avec lui-même.Comme pour penser juste, il est nécessaire de bien appercevoir, de bien juger, de bien discourir ou raisonner, et lier méthodiquement les idées, il suit de là que l’appréhension, ou la perception, le jugement, |[7] le discours ou le raisonnement, et la méthode deviennent les quatre articles fondamentaux de cet art. C’est de nos réfléxions sur ces quatre opérations de notre esprit, que se forme la logique.

3.

D.

La Logique vous paraît donc, l’introduction nécessaire à la Grammaire-générale ?

 

R.

Le cours de Grammaire-générale est une carrière presque entièrement nouvelle, ouverte par la sagesse du Législateur au zèle et à l’émulation des jeunes amateurs des sciences et des belles-lettres. Cette étude a pour base celle de la Logique, ou plutôt, la Grammaire-générale n’est elle-même qu’une logique véritable, puisque la parole doit être le tableau de la pensée, et qu’on ne peut mettre dans le discours l’ordre et l’arrangement convénables, qu’autant qu’on aura commencé par analyser les opérations de l’esprit, pour en suivre fidèlement la marche.

|[8] Penser et parler, sont liés de la même manière ; parler, c’est, pour ainsi dire, penser extérieurement ; et penser, c’est parler intérieurement. Le créateur, en formant les hommes raisonnables, leur donna ensemble les deux instrumens de la raison, penser et parler ; et si l’on sépare ceque le créateur a uni si etr étroitement, on tombe dans des erreurs opposées, selon que l’on s’occupe de l’un des deux exclusivement à l’autre. Il est à remarquer que les Grecs ont donné le même nom à la raison et à la parole.

Dans le hameau de L’Agnelas, on lit cette belle sentence :

« Qui que tu sois, ! Avant de parler, pense ! »

4.

D.

Cette science, ou si vous voulez, l’art de penser, a-t-il des lois et des règles qui lui soient propres ?

 

R.

Comme l’art de mouvoir de grandes masses a ses lois dans les facultés du corps, et dans les léviers dont les /nos/ bras se servent /ont/ appris à se servir, l’art |[9] de penser a les siennes dans les facultés de l’âme, et dans les léviers dont l’esprit a également appris à se servir. Il faut donc observer ces facultés et ces léviers.

5.

D.

Quel est donc l’objet de la logique ?

 

R.

Les opérations de notre esprit sont l’objet de la logique ; les principales manières de penser auxquelles on peut rapporter toutes les autres, se reduisent à quatre, qui sont, concevoir, juger, raisonner et arranger.

C’est pourquoi on distingue ordinairement quatre sortes de pensées : savoir, l’idée, le jugement, le raisonnement et la méthode.        

 

6.

D.

La logique se borne-t-elle à donner les règles des pensées ?

 

R.

Une bonne logique ne doit pas se borner à donner les règles des pensées ; il faut encore qu’elle prescrive celles qui sont nécessaires pour manifester, le plus clairement qu’il est possible, nos pensées aux autres.

Ainsi nous divisons cette logique en deux parties. La première partie contient |[10]les réfléxions sur les pensées ; et la seconde les réfléxions sur les expressions de nos pensées.

7.

D.

Puisque la logique s’exerce sur l’âme, n’est-il pas convenable de parler de ses facultés, de ses opérations et surtout de la formation et de la génération de ses idées ?

 

R.

Cette Science est la première de toutes dans l’ordre généalogique, puisque toutes les autres émanent d’elle. En effet, puisque rien n’existe ?? pour nous que par les idées que nous en avons, puisque nos idées sont tout notre être, sont notre existence elle-même, l’examen de la manière dont nous les percevons et les combinons, peut seul nous apprendre en quoi consiste notre connaissance, surquoi elle s’étend, quelles en sont les limites, et quelle méthode nous devons suivre dans la recherche des vérités de tout genre. Ainsi on pourrait aller jusqu’à dire que la connaissance de |[11]l’entendement humain est proprement la science unique.

8.

D.

Expliquez-nous l’origine et la génération soit des idées, soit des facultés de l’âme ?

 

R.

Nos sens sont les premières facultés que nous remarquons. C’est par eux seuls que les impressions des objets viennent jusqu’à l’âme. Si nous avions été privés de la vûe, nous ne connaitrions ni la lumière, ni les couleurs ; si nous avions été privés de l’ouïe, nous n’aurions aucune connaissance des sons : en un mot, si nous n’avions jamais eû aucun sens, nous ne connaitrions aucun objet de la nature.

9.

D.

Les cinq sens sont-ils bien utiles à l’homme ?

 

R.

Ouï ; ce sont eux qui le font cequ’il est, qui le mettent en correspondance avec la nature, qui sont la source de toutes ses idées. Otez un sens à l’homme, et il n’aura aucune des idées qui ont |[12] rapport à ce sens : otez-lui les yeux, par exemple, et il n’aura aucune idée des couleurs ; otez-lui les oreilles, et il n’aura aucune idée des sons ; otez-lui les cinq sens, et il ne sera plus homme ; ajoutez-lui un sixième sens, et il sera plus qu’homme ?

10.

D.

Que conclure de cette doctrine ?

 

R.

Que la meilleure manière d’élever les jeunes-gens, c’est de bien perfectioner leurs sens, fondemens de toutes les connaissances, et de ne leur présenter que des objets palpables et sensibles.

 

 

Document conservé à la Bibliothèque Imguimbertine Carpentras, Cote : Mss. 990