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Quatrième Leçon.

Manuel Des élèves du Cours de Grammaire-Générale Par Demandes et par Réponses.

Table des matières

 

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Quatrième Leçon.

30.

D.

L’homme n’a-t-il que cinq sens ?

 

R.

Il a encore une autre faculté précieuse, qui rassemble toutes les idées, toutes les sensations.

31.

D.

Où réside cette faculté ?

 

R.

Elle paraît résider dans le cerveau, qui forme un sens particulier, un sens universel, dont les autres ne sont que des ramifications.

32.

D.

Comment appelle-t-on cette faculté ?

 

R.

On l’appelle âme, esprit.

33.

D.

Quelle est la nature de l’âme ?

 

R.

Il est vraisemblable qu’elle n’est autre chose que la réunion des cinq sens, se communiquant ensemble par des voies inconnues ; mais il vaut mieux bien user de cette faculté, que de chercher inutilement à l’approfondir.

34.

D.

L’âme n’a-t-elle pas diverses modifications ?

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R.

Elle en a deux principales ; la première qui reçoit les idées, qui se ressouvient, qui imagine, juge, réfléchit, connait, et qu’on nomme entendement, esprit ; la seconde, qu’on regarde comme un mouvement de l’âme, qui désire, veut, aime, espère, craint, et qu’on nomme volonté, coeur. Ces deux facultés ont leur origine commune dans la sensation et les différentes dispositions physiques de notre corps.

35.

D.

L’entendement n’a-t-il pas diverses opérations ?

 

R.

Ouï ; et ces opérations ont chacune leur rang et leur nom ; la mémoire rappelle les objets ; l’imagination les peint et les réprésente d’après la nature ; l’attention fixe les organes sur un objet ; la réfléxion rassemble les objets et les combine ; la pénétration suppose de l’attention et de la réfléxion ; le discernement et le jugement comparent les objets et apprécient |[29] la valeur des uns et des autres ; la sagacité saisit facilement un objet et le fait comprendre aux autres ; le goût apperçoit le prix des choses au premier coup d’oeil ; le talent met une science ou un art dans tout son jour ; enfin le génie crée des nouvelles idées.

36.

D.

Qu’es[t-]ce qui distingue un homme d’un autre ?

 

R.

L’attention : mais celle-ci dépendant du degré d’activité dont le cerveau et le diaphragme sont susceptibles, et la force de ces organes variant dans chaque individu, il s’ensuit que l’organisation met d’abord entre les hommes une différence, que quelques philosophes ont eû tort d’attribuer aux seules circonstances.

37.

D.

Quels sont les matériaux de nos connaissances ?

 

R.

Ils sont simples : des gestes, des sons, des chiffres, des lettres ; voilà les fondemens des sciences les plus relevées.

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38.

D.

Comment apprenons-nous à faire usage de ces matériaux ?

 

R.

Par le commerce de nos semblables : la société est le seul fond dont nous tirons nos connaissances ; un homme isolé ne connaitrait rien au delà des premiers besoins.

39.

D.

Est-il avantageux de cultiver son esprit ?

 

R.

L’esprit est la faculté qui rassemble les sensations, qui les juge, qui les compare, c’est lui qui sert de guide et de flambeau dans la conduite de la vie. Il est donc nécessaire de l’éclairer, de le diriger, de le perfectionner par l’instruction, de l’utilité de laquelle nous ne pouvons douter. La culture de l’esprit est surtout indispensable à ceux qui, par leur état ou leurs richesses, sont dispensés d’un travail journalier. Les plaisirs attachés à la lecture, à l’amour des arts, les délivreraient de ces vices honteux et nuisibles, auxquels les entraîne communément l’inaction et le desoeuvrement.

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40.

D.

L’étude est donc et la réfléxion procurent donc des plaisirs ?

 

R.

Ouï ; en donnant au cerveau toute l’activité dont il peut être susceptible, en lui présentant beaucoup d’objets, sous une forme agréable, l’étude multiple les sensations et par conséquent les jouissances, que l’on nomme intellectuelles, pour les distinguer de celles du corps.

L’étude même, quand elle n’est pas portée à l’excès, est utile à la santé, en donnant à nos humeurs une agitation modérée.

 

41.

D.

Quels sont donc les dangers de l’ignorance ?

 

R.

L’ignorance amène avec elle une suite de maux inévitables. Par elle, nous sommes les jouets de l’erreur et des préjugés ; nous nous laissons entrainer par des opinions contraires à nos intérets et à la nature des choses ; nous devenons les dupes des méchans, des frippons et des charlatans. L’ignorant est incapable de [] et de vertus ; il ne peut être utile ni à lui, ni à ses semblables ; |[32] il est crédule, et ajoute foi aux revenans, aux sorciers, et à mille autres révéries, qui sont la honte de l’esprit humain.

Au reste les hommes qui n’estiment les sciences spéculatives qu’autant qu’elles conduisent à la pratique de la vertu, ne regarderont pas comme un hors d’oeuvre, et cette demande et cette réponse.

42.

D.

Il est donc clair que le plus bel attribut de l’homme, celui par lequel il occupe la première place, entre tous les êtres, au millieu desquels il existe sur la terre, c’est l’entendement, c’est la raison.

 

R.

Ouï certes ; tout ceque fait l’homme, tout cequ’il veut, et même, à beaucoup d’égards, tout cequ’il peut, dépend, en dernière analyse, de la manière dont il sent les choses, dont il les voit, dont il en raisonne, dont il les entend, en quelque sorte.

43.

D.

Comment cela ?

 

R.

Il y a toujours dans sa pensée quelque image et quelque idée distincte ou confuse, réelle ou fictive, vraie ou fausse, d’après laquelle il conçoit ses desseins, |[33] il éxécute ses ouvrages, il détermine ses volontés, et il accomplit ses actions. La faiblesse et la puissance de l’homme, ses égaremens et sa sagesse, ses vices et ses vertus, ses privations et ses jouïssances, toutes ses qualités, et toutes ses destinées, sortent donc, comme de leur source, de son entendement.

44.

D.

Expliquez-nous actuellement d’où peut venir la grande inégalité dans la manière dont les hommes possèdent une faculté commune à tous, qui a dû être et a été dans tous les tems un phénomène qui a singulièrement frappé les esprits ?

 

R.

On a cherché les causes de ce phénomène, et comme il n’était pas facile de le trouver, on en a imaginé d’étranges.

Tantôt on a attribué la différence des esprits à la différence des âmes. Tantôt, des philosophes qui se croyaient plus profonds ont rapporté toutes les inégalités des esprits, à la diversité des organisations. Selon eux, ces différences si marquées, si prodigieuses entre |[34] l’intelligence de deux hommes, tiennent à des différences imperceptibles et inassignables, entre les organes de leurs sens et de leurs cerveaux ; et comme cette cause est manifestement la vraie dans quelques-uns, comme celui de l’imbécillité et de la folie, ils affirmaient qu’elle est la vraie dans tous les cas, qu’elle est générale.

45.

D.

Quelle sera donc la vraie cause de cette diversité ?

 

R.

Des hommes plus éclairés apperçurent une cause qui était sous leurs yeux, et qui expliquait, au moins en grande partie, cette humiliante inégalité des esprits. Cette cause ils la virent dans la différence des circonstances, de la culture, des études, des méthodes et des travaux. Cette cause, quoiqu’il ne soit pas toujours possible de l’observer, dans toutes ses manières d’agir, agit pourtant sous nos yeux, et il est facile de mieux diriger son action pour la rendre plus utile ; les autres causes, quand elles seraient plus puissantes, agissent dans les |[35]profondeurs mystérieuses où elles se cachent ; et il est inutile de s’en occuper, parcequ’il est impossible de les mieux diriger.

46.

D.

Peut-on donner quelque preuve en faveur de cette opinion ?

 

R.

L’influance [sic] de la diversité des cultures n’est pas une hypothèse, et un système ; c’est un fait, et ce fait remplit l’univers, et les siècles. Quelle que fut, par exemple, l’organisation du cerveau de Newton et du cerveau de Leibnitz, on est sûr que, si tous les deux n’avaient pas cultivé la Géométrie, aucun d’eux n’aurait trouvé la méthode du calcul de l’infini.

47.

D.

Pour que cette culture produise ses bons effets, ne doit-elle pas être dirigée sur certaines règles ?

 

R.

Les peuples qui ont le plus cultivé les arts et les sciences ont pris tour-à-tour, ou à la fois, quatre espèces de guides pour s’avancer avec sûreté dans les routes de la nature et de la vérité : le goût, l’induction, c’est-à-dire, la de de Socrate et de ses élèves, l’art syllogistique d’Aristote et de son école, la méthode des géométres.