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Huitième Leçon.

Manuel Des élèves du Cours de Grammaire-Générale Par Demandes et par Réponses.

Table des matières

 

|[61]

Huitième Leçon.

93.

D.

Qu’est-ce que le raisonnement ?

 

R.

Le raisonnement consiste à inférer, à déduire, à tirer un jugement d’autres jugemens déjà connus ; ou plutôt à faire voir que le jugement dont il s’agit, a déjà été porté d’une manière implicite ; de sorte qu’il n’est plus question que de le dévélopper, et d’en faire voir l’identité avec quelque jugement antérieur ; cette opération de l’esprit, par laquelle nous tirons un jugement, s’appelle raisonnement.

Exemple :

Toute personne qui veut apprendre doit écouter ;

vous voulez apprendre ;

donc vous devez écouter.

94.

D.

Quelle est la nature du raisonnement ?

 

R.

Il faut que la troisième idée, qu’on nomme moyen soit comparée avec les deux idées de la question ou du jugement dont on prouve la vérité ou la fausseté de celui qu’il fallait prouver. Le jugement ainsi prouvé se nomme la conséquence ou la conclusion, qui est le même que celui |[62] qu’on nomme question ; on le nomme question avant qu’il soit prouvé, et conclusion quand il est prouvé .

Ainsi la règle véritable et fondamentale du raisonnement ou du syllogisme, est que le sujet de la conclusion soit compris dans l’extension de l’idée générale à laquelle on a recours pour en tirer la conclusion.

95.

D.

De quel signe se servent-ils les hommes pour réprésenter le raisonnement ?

 

R.

Les hommes ont inventé pour cela l’argumentation ou le syllogisme. Comme tout raisonnement renferme au moins trois jugemens, toute argumentation doit aussi être composée de trois propositions, qu’on appelle proprement syllogismes.

96.

D.

Quelle est la nature du syllogisme ?

 

R.

Le syllogisme est toujours composé de trois propositions ; la première s’appelle la majeure ; la seconde, la mineure ; et la troisième est appellée la conséquence.

Les deux premières propositions du syllogisme sont appellées prémisses ; c’est-à-dire mises |[63] avant la conséquence. Si les deux premisses sont véritables, et qu’on en convienne, on doit accorder la conséquence, et vice-versa.

97.

D.

Fait-on dans les écoles plusieurs observations sur la forme des syllogismes ?

 

R.

On a fait des mots artificiels, où ces quatre lettres, a, e, i, o sont combinées selon toutes les combinaisons possibles, comme en barbara, en baroco, [?etca] pour faire voir les différentes espèces de syllogismes : mais ces observations ne sont pas d’un grand usage dans la pratique ; quelques personnes les appellent des bagatelles difficiles, dificiles nugæ.

98.

D.

Cette forme syllogistique est-elle bien nécessaire ?

 

R.

L’on peut avancer que cette forme, dont Aristote est l’inventeur, n’est pas nécessaire pour une démonstration. En procédant simplement d’une idée à une autre idée immédiate, on ne démontre pas moins solidement une vérité, que par le moyen d’un ou de plusieurs syllogismes.

L’usage néanmoins du syllogisme |[64] qui est l’espèce de raisonnement la moins embarrassante, et la plus éfficace pour éclairer l’esprit, est très-utile aux jeunes-gens : il accoutume leur esprit à réduire ses idées sous une forme exacte de discours, par laquelle il est plus aisé de leur faire remarquer directement l’endroit où ils se trompent.

99.

D.

Quelle est la matière du syllogisme ?

 

R.

Le syllogisme est nécessairement composé de trois idées simples ou compléxes. L’une s’appelle le sujet et l’autre l’attribut. Le sujet est appellé petit terme en latin minus extremum. L’attribut ainsi appellé parcequ’on l’attribue au sujet, est appellé le grand terme, en latin majus extremum ; parcequ’il peut se dire d’un plus grand nombre d’individus.

Outre ces deux idées, on a recours à une troisième qu’on appelle le moyen, medium. C’est par l’entremise de cette troisième idée, que l’on découvre si l’attribut de la conclusion convient ou ne convient pas au sujet de cette même conclusion :

|[65]Exemple :

Tous les hommes peuvent se tromper ;

vous étes homme ;

donc vous pouvez vous tromper.

Vous, est le sujet de la conclusion, et par conséquent le petit terme ; pouvez vous tromper, est l’attribut ; tous les hommes est le moyen terme, ou l’idée moyène.

100.

D.

Quel est le fondement du syllogisme ?

 

R.

C’est l’identité qui est le fondement seul et véritable du syllogisme. La conclusion est en d’autres termes, le même jugement qu’on a porté de la majeure, avec la seule différence que la majeure est plus étendue et plus générale que la conclusion ; c’est cequ’il est aisé de faire voir par des exemples :

Tous les hommes peuvent se tromper ;

or vous étes homme ;

donc vous pouvez vous tromper.

Cette proposition : tous les hommes peuvent se tromper, contient véritablement celle-ci : vous étes homme. Il est visible que homme est un mot générique qui contient tous les individus qui sont hommes ; et qu’ainsi |[66] tout ceque je dis de l’homme je le dis de vous, puisque vous et homme est la même chose ; en ce sens que vous étes contenu dans l’idée exemplaire que j’ai de l’homme.

101.

D.

Quelles sont les règles du syllogisme ?

 

R.

On donne dans les écoles six règles touchant le syllogisme. Pour raisonner juste il n’est pas absolument nécessaire de connaître toutes ces règles. Ceux qui ne sont pas capables de reconnaître par la seule lumière de la raison la fausseté d’une conséquence, ne le sont pas ordinairement d’entendre les règles du syllogisme, encore moins de les appliquer. Au reste on ne peut nier que ces règles ne soient très-ingénieuses, et de quelque utilité. Il serait trop long de les détailler ici telles qu’elles nous ont été présentées dans le cours des leçons : qu’il suffise d’indiquer le principe :

Quoique les mots paraissent nous donner des idées différentes, cependant quand le sens que nous donnons aux mots est bien apprécié, il est évident que, quoique l’on s’explique en termes différens, souvent on entend la même chose.