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Section troisième. Grammaire française.

Table des matières

 

 

 

 

Section troisième. Grammaire française.

Chap. I. Des substantifs.

Chap. II. Des modificatifs.

Art. I-II

Art. III

Art. IV-VIII

Section quatrième. Art de raisonner.

Chap. I. Des idées.

Chap. II. Du jugement.

Chap. III. Du raisonnement.

Chap. IV. De la méthode.

Conclusion.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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GRAMMAIRE

GÉNÉRALE.

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SECTION TROISIÈME.

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GRAMMAIRE FRANÇAISE.

 

Les règles de chaque langue particulière sont des applications faciles (des principes généraux de la formation des langues), ou des exceptions bizarres qui n’ont d’autre raison que le caprice des instituteurs. (D’Alembert.)

 

Définition.

 

886. UNE Grammaire particulière a pour objet d’appliquer les conven­tions, ou les institutions, en vertu desquelles a été formée une langue particulière, aux principes généraux et immuables de toutes les langues (13). La Grammaire française doit donc se borner à comparer les lois positives établies par l’usage, relativement à notre langue, avec les principes universels établis dans la Grammaire générale ; à rechercher en quoi les principes particuliers de la langue française s’accordent avec les principes communs |2 à toutes les langues, en quoi ils en diffèrent ; et à nous faciliter l’art d’écrire et de parler correctement le français. Comme nous avons déjà rempli cet objet en grande partie dans les différentes applications que nous avons faites des principes généraux, il nous reste très-peu de chose à dire sur cette matière.

Division de cette section.

 

887. Notre langue, comme toutes les autres, n’a été instituée que pour la communication réciproque de la pensée entre les personnes destinées à vivre en société (2) : pour l’expression de la pensée la moins composée, il est indispensable d’employer au moins trois mots, ou la valeur implicite de trois mots (387) : et, pour exprimer toutes les pensées avec leurs nuances, leurs accessoires et leurs modifications, il faut, dans notre langue, dix espèces de mots (400) ; mais, comme les idées que nous avons à communiquer ont nécessairement été puisées dans la nature, et qu’il n’y a dans la nature que des substances et des modifications, nous ne pouvons avoir à communiquer que des idées de substance et des idées de modification ; conséquemment nous ne pouvons avoir besoin dans le langage que de noms de substance et de noms de modifi- |3 cation, et les dix espèces de mots se distribuent naturellement en deux grandes classes, les substantifs et les modificatifs (405, 406). Nous diviserons donc en deux chapitres tout ce qui nous reste à dire sur la Grammaire française, jugeant inutile de parler encore de la syntaxe dont nous avons traité assez en détail dans la Grammaire générale.

Sons et arti­culations.

 

888. Dans le discours parlé, les mots sont composés de sons et d’articulations (229, 230), dont les différentes combinaisons forment les syllabes : les sons, considérés comme élémens des mots, sont de simples émissions de la voix, dont les différences essentielles dépendent de la forme du passage que la bouche prête à l’air qui en est la matière : nous en avons plusieurs dans notre langue, puisque nous avons plusieurs espèces d’a, d’e, d’i, d’o, d’u. Les articulations sont en grand nombre : ce sont les mêmes sons formés par la glotte, mais diversement modifiés par le mouvement subit et instantané de la langue ou des lèvres, ou de quelqu’autre partie mobile de l’organe de la parole (230, 231).

Lettres ; voyelles ; consonnes.

 

889. Dans le discours écrit, les sons et les articulations sont représentés par des |4 signes, qu’on appelle lettres, signes arbitrairement choisis par chaque nation, qui, par cette raison, furent jadis chez les Hébreux, chez les Grecs et chez d’autres peuples, autres qu’ils ne sont parmi nous, et qui sont encore aujourd’hui, chez les Chinois, bien différens de ceux qui sont généralement adoptés par tous les peuples de l’Europe. Celles de ces lettres qui représentent les sons se nomment voyelles (a) [1], et celles qui représentent les articulations s’appellent consonnes (b) [2]. La collection de toutes les lettres adoptées par un peuple forme l’alphabet ou l’abécédaire de sa langue (c) [3].

Quantité, longues, brèves.

 

890. Quoique nous ayons un assez grand nombre de sons, nous n’avons néanmoins que cinq voyelles pour les représenter ; mais la manière dont nous prononçons cha- |5 cune de ces cinq voyelles nous met à même de représenter un grand nombre de sons, au moyen de ces cinq signes seulement. Nous avons prouvé que chaque langue a sa quantité (238), c’est-à-dire, qu’elle varie la durée de la prononciation de chaque syllabe, qui devient brève, ou longue, selon qu’elle est prononcée plus rapidement ou plus lentement.

Ainsi, dans notre langue, le son de la voyelle a est long dans une panse d’a, dans pâte à faire du pain, dans âme, etc., etc. ; et il est bref dans il est à Paris, dans patte d’animal, dans lame de couteau, etc., etc. ; et c’est ainsi que la même voyelle a représente des sons bien différens selon la manière dont on la prononce.

E est long dans tempête, dans tête, etc., etc. ; et bref dans trompette, il tette, etc., etc.

I est long dans gîte, dans regître, dans épître, etc., etc., et bref dans petite, etc.

O est long dans apôtre, dans trône, etc., etc. ; et bref dans dévote, etc.

U est long dans flûte, et bref dans butte, etc., etc.

Ainsi chacune des cinq voyelles, pouvant avoir une quantité différente, ou être |6 prononcée, tantôt plus rapidement, tantôt plus lentement dans différens mots, équivaut à plus d’une voyelle et peut représenter plus d’un son.

Nécessité de connaître la quantité.

 

891. La connaissance de la quantité est indispensable, autant pour donner à chaque syllabe la durée précise qu’elle doit avoir, relativement aux autres, ce qui constitue l’exactitude et la mélodie de la prononciation (233), que pour éviter des contresens et des quiproquos souvent ridicules.

Nous avons, en effet, plusieurs mots qui ont des significations tout-à-fait différentes, selon que l’une de leurs voyelles est longue ou brève ; et quelqu’un qui prononcerait ces voyelles au hasard, sans soin, sans discernement, ferait entendre autre chose que ce qu’il aurait voulu dire, et tomberait dans des méprises fréquentes.

Par exemple, une tâche à remplir n’est pas une tache, souillure ; tâcher de faire son devoir ne se prononce pas comme tacher son habit. Il y de la différence dans le sens comme dans la prononciation, entre mâle, animal, et malle, bahut ; entre mâtin, chien, et matin, partie du jour ; entre pêcher et péché, etc., etc. Si l’on ne met pas dans la prononciation de ces mots et de tous |7 ceux qui sont dans les mêmes cas, la différence qu’exige leur quantité respective, ce désordre dans la prononciation entraîne nécessairement le désordre et la confusion dans l’expression des idées.

Diphtongues.

 

892. Outre les sons représentés par nos cinq voyelles, soit brèves, soit longues, nous en avons d’autres représentés par la réunion de deux, ou de plusieurs voyelles, tels que ai, au, eu, ei, ou, etc., etc. On les nomme diphtongues.

Différentes espèces d’E.


E ouvert.

E moyen.
E fermé.

E muet.

 

893. La voyelle e représente encore d’autres sons ; car, outre qu’elle peut être longue ou brève comme les autres, ainsi que nous l’avons vu (890), elle exprime quatre sons différens : quelquefois on la prononce la bouche ouverte, comme dans accès, succès, procès, et on l’appelle alors e ouvert ; quelquefois on la prononce la bouche demi-ouverte, comme l’avant-dernier e des mots misère, trompette, etc., etc., et c’est alors un e moyen ; tantôt on la prononce en serrant les dents, comme le dernier e des mots égalité, liberté, bonté, et on l’appelle e fermé ; tantôt enfin on ne la fait presque pas sentir dans la prononciation, comme le dernier e des mots empire, victoire, armée, et alors il se nomme e muet.

Nécessité de distinguer les différentes es­pèces d’E.

 

|8 894. La distinction bien marquée de ces différentes espèces d’e importe dans la prononciation autant que la distinction régulière des longues et des brèves, puisqu’elle seule caractérise souvent la différence de signification d’un même mot.

Par exemple, repondre (par un e muet au commencement) signifie pondre de nouveau, et répondre (par un é fermé) signifie répliquer à un discours, à une lettre, à une question.

Reformer c’est former de nouveau, et réformer c’est donner une meilleure, ou une autre forme.

Repartir c’est répliquer, faire une repartie, ou partir pour la seconde fois, ou partir après être arrivé, et répartir c’est distribuer en plusieurs parts : il a réparti le fruit de sa chasse entre tous ses voisins, après quoi il est reparti pour la ville.

En général, la syllabe re (par un e muet) signifie réduplication ; mais l’e muet se change en é fermé, par euphonie (380), avant les mots simples qui commencent par une voyelle, comme dans réorganiser et quelques autres.

Prosodie. Accens.






Accent aigu.
— grave.
— circonflexe.

 

895. Outre la connaissance des longues et des brèves et des différentes manières |9 dont chaque voyelle doit se prononcer relativement à l’ouverture plus ou moins grande de la bouche, pour compléter la prosodie de la langue, dont la quantité fait partie, il faut connaître l’accent. On entend par accent, les différentes inflexions de la voix et les diverses modulations dont il faut se servir pour prononcer les mots d’une langue comme il convient (235). Il y a dans notre langue, comme dans toutes les autres, des syllabes sur lesquelles il faut élever le ton, ce qui s’appelle accent aigu ; d’autres sur lesquelles il faut le baisser, ce qu’on nomme accent grave, et d’autres enfin sur lesquelles on l’élève d’abord pour le rabaisser ensuite, ce qui est l’accent circonflexe. C’est cette variété de tons, tantôt aigus, tantôt graves, tantôt circonflexes, qui fait que le discours est une espèce de chant : c’est là proprement l’accent grammatical, qu’il ne faut pas confondre avec l’accent oratoire.

Ainsi, l’accent doit régler la qualité du ton, et la qualité doit fixer la durée du son de chaque syllabe, et ces deux choses ensemble constituent la prosodie de la langue.

Accens ortho­graphiques.

Accent aigu.

Accent grave.

 

896. Pour distinguer ces trois espèces d’accens dans la parole écrite, et particulièrement pour distinguer les quatre espèces |10 d’e (893), on a imaginé des signes orthographiques, qu’on nomme aussi accens. L’accent aigu (´) est un petit trait tiré de droite à gauche ; on le place sur les é fermés, liberté, égalité, soit qu’ils se trouvent à la fin des mots, ou au commencement, ou au milieu. L’accent grave (`) est un petit trait tiré de gauche à droite ; on le place sur presque tous les e ouverts, accès, succès, procès ; sur à toutes les fois qu’il est préposition, il étudie à Pau ; sur , lorsqu’il n’est point article, d’ici là, cet homme-là ; sur ou, lorsqu’il n’est pas conjonction, allez-vous ? etc., etc.




Accent moyen.

 

On ne met pas communément d’accens sur les e moyens, ou si l’on en met quelqu’un, c’est l’accent grave. Il vaudrait mieux, pour la précision de notre orthographe, qu’on adoptât un accent moyen, qui serait un petit trait vertical, et qu’on placerait exclusivement sur les e moyens. Alors nos quatre espèces d’e seraient bien distinguées, car on ne met jamais aucun accent sur les e muets, quelque part qu’ils se trouvent, soit qu’ils soient suivis de quelques consonnes, soit qu’ils ne le soient pas, la victoire, les victoires, il chante, ils chantent.

Accent circon­flexe.

 

L’accent circonflexe est formé de l’accent |11 aigu et de l’accent grave réunis à leur partie supérieure (^) : on le place communément sur les voyelles longues, pâte, fête, âme, etc. ; sur celles après lesquelles on écrivait autrefois un s que l’usage a supprimé : ainsi on écrit regître, épître, dîner, crête, crâne, chaîne, bâton, bâtiment, qu’onécrivait jadis registre, épistre, etc. On écrit , participe du verbe devoir, pour le distinguer de du pour de le, contraction de la préposition de et de l’article le. L’accent circonflexe se place aussi sur ces formes des verbes, qu’il aimât, qu’il chantât, qu’il adoptât, etc.

L’Y.

 

897. L’y, placé entre deux voyelles dans un mot, équivaut à deux i, dont l’un termine la syllabe qui précède, et l’autre se réunit à la voyelle suivante. Ainsi citoyen, (a) [4], voyons, etc., se prononcent citoi-ien, voi-ions, etc., et non pas cito-ien, vo-ions. Il faut donc écrire la pluie, la joie, la voie, il emploie, il foudroie, etc., etc. ; et |12 non pas la pluye, la joye, la voye, il employe, etc. ; puisque avec cette dernière manière d’écrire, il faudrait prononcer la plui-ie, la joi-ie, il emploi-ie, etc. : mais on doit écrire nous employons, vous employez, nous voyons, vous voyez, etc. ; parce qu’on prononce effectivement nous emploi-ions, etc. ; et l’y disparaît dans la personne suivante de la même forme des verbes ; ils emploient, ils voient, ils foudroient, etc.

Dans les mots où l’y est immédiatement suivi d’une consonne, il n’équivaut qu’à un seul ; un Lys, un mystère, etc. On écrit aussi Lyon (ville), et l’on prononce Lion ; yeuse, yeux, prononcez ieuse, ieux.

Tréma.

 

898. Chacune de nos cinq voyelles peut être tréma, c’est-à-dire, distinguée par deux points placés sur elle pour indiquer que, dans la prononciation, cette voyelle doit être absolument séparée de celle qui la précède. Ainsi l’on écrit Saül (roi des Juifs), et l’on prononce Sa-ul, pour le distinguer de Saul (ou Paul, apôtre), que l’on prononce Sôl ; Gaëte (ville d’Italie), qui équivaut à Ga-ète, au lieu qu’en l’écrivant sans tréma, il faudrait prononcer |13 Ghete ; haïr, et non pas hair, qu’il faudrait prononcer hèr, etc., etc.

On se trompe, au contraire, lorsqu’on écrit païs, païsage, par un ï tréma, puisqu’alors il faudrait prononcer pa-ïs, pa-isage ; il ne faut pas non plus écrire, pais, paisage, par un i simple, attendu qu’on devrait prononcer pès, pèsage, conformément à cette orthographe : on doit écrire pays, paysage, par un y, puisqu’on prononce pai-is, pai-isage (897).

Consonnes.

 

899. Nous avons peu d’observations à faire sur les consonnes. Rappelons-nous seulement que les consonnes représentent les articulations (889) ; que les articulations ne sont autre chose que les sons primitifs diversement modifiés, à leur issue, par les mouvemens simultanés des différentes parties de l’organe de la parole (888) ; et qu’ainsi on peut classer les articulations, ou les consonnes, relativement à la partie de l’organe de la parole qui concourt à les former. De là la classification des consonnes, 1.o en labiales (a) [5], qui sont formées par le concours des lèvres, m, b, p ; le b et le p sont évidemment la même articulation avec une |14 légère différence dans l’intensité : 2.o en labio-dentales, formées par le concours simultané des dents et des lèvres, s, v, dont l’une est plus radoucie que l’autre : 3.o en dentales, d, t, n ; d et t sont encore la même articulation plus ou moins forte, etc., etc. ; chacun peut observer facilement quelle est la partie de l’organe de la parole qui concourt à former les autres consonnes, et continuer cette classification, qui est un objet de curiosité plus que d’utilité.

H.

 

La lettre h exprime plutôt une aspiration qu’une articulation, lorsqu’elle se prononce, d’après l’usage ; elle sert à faire prononcer du gosier la voyelle qui suit, comme dans la haine, le hameau, le héros, etc. ; alors on la nomme h aspiré. D’autres fois elle ne sert que pour l’orthographe et ne se prononce pas du tout, et alors on l’appelle h muet, comme dans l’homme, l’histoire, etc. ; qu’on prononce comme s’il n’y avait point de h.

Syllabes. Mots. Propositions. Discours.

 

900. Les voyelles et les consonnes diversement combinées forment les syllabes ; la réunion des syllabes constitue les mots ; les mots, convenablement arrangés, d’après les principes de la syntaxe et les lois de l’usage, forment les propositions, et une suite de propositions forme un discours.

|15 Nous avons donc remonté aux premiers, aux plus simples élémens de la parole, et nous avons dit en abrégé ce qu’il y a à dire sur le matériel des mots. Il ne nous reste plus qu’à les considérer par rapport aux idées qu’ils expriment, comme substantifs et modificatifs (887).

 


 

Notes

[1] (a) Du mot voix, parce qu’elles représentent les simples émissions de la voix.

[2] (b) Des mots latins cum sonantes, avec sonnant, parce qu’elles représentent les articulations, qui, n’étant que des sons diversement modifiés, renferment toujours nécessairement un son primitif, et ne peuvent avoir lieu sans lui.

[3] (c) Alphabet, des noms des deux premières lettres grecques alpha, bêta. Abécédaire, des noms de nos quatre premières lettres a, b, c, d.

[4] (a) Il ne faut pas confondre citoyen avec concitoyen, et il faut se garder de dire : « Aristote détermina la nature de ces effets sous les yeux de ses citoyens. » (Théât. des Grecs, tome 1.) ; il faut concitoyens. On est citoyen d’un pays et concitoyen d’un individu.

[5] (a) Du substantif latin labium, lèvre.